Le Journal de Quebec - Weekend

DONNER VIE ET IMAGES À UN POLAR À SUCCÈS

Cinq questions à Yannick Savard, réalisateu­r de Détective Surprenant : la fille aux yeux de pierre

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

Nous, Le bonheur, Piégés, L’heure bleue sont quelques-unes des fictions sur lesquelles Yannick Savard a mis sa touche. Après quelques années à réaliser du magazine, des variétés et des fictions pour la jeunesse, il plonge dans des projets qui nourrissen­t son imaginaire, élaborant des factures visuelles cinématogr­aphiques et développan­t la direction d’acteurs qu’il aime tant.

S’il travaille actuelleme­nt à la première comédie dramatique de Michel Charette qu’il retrouve avec grand plaisir, il s’emballe toujours de l’expérience de Détective Surprenant qui l’a mené aux Îles-de-la-Madeleine. Dans La fille aux yeux de pierre, on tente de trouver le meurtrier de la fille du maire dans une communauté isolée où chacun devient un peu coupable.

Avant de plonger dans la réalisatio­n de la série, as-tu lu les livres de Jean Lemieux ou vu le film sorti en 2011 ?

Je dois dire que le scénario était vraiment béton. J’ai été happé dès la lecture. C’est plus tard, en me questionna­nt sur ma démarche, que j’ai lu le livre.

Le background des personnage­s était bien construit au scénario, mais j’ai aimé lire les descriptio­ns des lieux, le ton, les déplacemen­ts, la géographie. Ça m’a permis de me faire une tête. Je ne voulais pas être en réaction avec ce qui avait été fait. Marie-Ève Bourassa et Maureen Martineau écrivent tellement bien. Tout était là.

C’est un premier enquêteur pour Patrick Hivon qui a joué quelques écorchés. Comment s’est fait le casting ?

J’aime les contre-emplois. Et j’aime la direction d’acteurs. J’aime aller avec eux dans des zones moins fréquentée­s. Pour Patrick, c’était un premier lead dans une série. Il a été un leader généreux pour toute l’équipe. Il est dans la vérité. Il livre avec tellement de justesse une scène de petit matin sur le bord d’un comptoir! J’aime son côté imprévisib­le. Surprenant a vécu des choses, des regrets. J’aime qu’un héros soit à fleur de peau. Ça faisait longtemps que je souhaitais travailler avec lui. On a travaillé fort pour que tous les seconds rôles aient aussi de la profondeur, qu’il se passe quelque chose quand ils sont à l’écran. On le voit avec Hubert (Proulx), Patrick (Goyette)… Jean-François Pichette a eu une partition rough. C’est un écorché. On l’a magané pas mal.

Tu dis avoir voulu t’éloigner des images de cartes postales des Îlesde-la-Madeleine, t’être inspiré des polars des pays nordiques. Parlemoi de ta facture visuelle ?

Impossible que les Îles ne soient pas télégéniqu­es ! On a dû travailler fort. Comme l’action se situe à l’automne, c’est une période plus morose pour bien des gens. Le climat est plus difficile et je voulais qu’on le ressente. Je ne voulais pas que l’action soit trop au bord de la mer, mais qu’on voie la falaise, le boisé. On est dans des teintes de cyan, dans des teintes terreuses aussi. Ça looke froid, rugueux. Éloi Painchaud, qui signe la musique, m’a beaucoup nourri dans ce climat de mélancolie. Les Îles-de-la-Madeleine, c’est pas un décor, c’est l’ADN de la série. Dans les séries nordiques, je pense à Trapped par exemple sur Netflix, on sent que le climat est dur. Les personnage­s sont trempés, échevelés, leurs barbes sont hirsutes. J’ai toujours rêvé de faire un western, c’est un peu un western mais avec la police.

On entend l’accent des Îles. C’est rare qu’au Québec on se permet des accents, contrairem­ent aux Anglais ou aux Américains.

C’est vrai que ce n’est pas dans nos moeurs. On a voulu être authentiqu­e.

Il y a des acteurs locaux qui parlent avec leur accent. Les rôles sont déjà très chargés en émotions. On ne voulait pas que ça fasse entrave au jeu. On voulait éviter que ce soit une distractio­n ou, pire, que ce soit une caricature. Les policiers dans la série viennent tous d’ailleurs. On m’a dit qu’il y avait deux maires aux Îles qui n’avaient pas d’accent puisqu’ils ont évolué à l’extérieur.

En quoi crois-tu que l’éloignemen­t a teinté le travail de l’équipe ?

J’ai vécu les deux plus beaux mois de ma vie profession­nelle. J’ai tissé des liens serrés et durables. On avait vraiment un sentiment de troupe, un esprit de communauté. C’est rare qu’on se retrouve sur un projet où on est 100 % dédié à la cause dans tout notre quotidien. À Montréal, chacun rentre chez lui le soir, retrouve sa famille. Là, on prenait nos cafés ensemble, nos soupers, nos bières. Comme on a investi les vrais lieux, c’est comme si on vivait dans la série. On espère tous revivre l’expérience.

Détective Surprenant : la fille aux yeux de pierre Disponible sur Club illico

 ?? ??
 ?? ?? Yannick Savard
Yannick Savard
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada