Le Journal de Quebec - Weekend
Une revue consacrée à l’histoire de la Nouvelle-France !
Le vertige m’envahit lorsque je sors la tête de l’ouverture au sommet de l’éolienne numéro 1 du parc de VigerDenonville, d’une hauteur de 100 mètres ; chaque turbine comme celle-ci peut alimenter plus de 400 maisons en chauffage et éclairage.
La jeune Revue d’histoire de la Nouvelle-France lance son numéro 3 ces jours-ci. Éditée chez Septentrion et vendue en librairie, cette revue cherche à rendre accessible et à faire connaître au plus grand nombre l’histoire de cette période fondatrice et fascinante de notre passé que fut la Nouvelle-France.
Au Québec, les revues s’adressant au grand public consacrées à l’histoire se comptent sur les doigts d’une main. Ceci contraste avec un pays comme la France, où des dizaines de magazines s’intéressant au passé envahissent mensuellement les kiosques à journaux.
Il faut donc un certain cran et de la passion pour lancer chez nous une nouvelle revue d’histoire et espérer atteindre suffisamment de lecteurs pour qu’elle soit viable. C’est pourtant le pari qu’ont fait quelques intrépides ces dernières années en lançant un nouveau magazine entièrement consacré à l’histoire de la Nouvelle-France.
Chaque numéro comporte diverses rubriques et traite d’un dossier en particulier. Le numéro 1 portait sur les colons français alors que le deuxième numéro traitait de magie et de sorcellerie. Le numéro 3, sorti le 5 décembre, porte sur les missionnaires catholiques en Nouvelle-France.
Je me suis entretenu avec le rédacteur en chef adjoint, Sylvain Lumbroso, pour qu’il nous parle de la revue et des sujets abordés dans ce troisième numéro.
Comment est née l’idée de lancer une revue portant sur l’histoire de la Nouvelle-France ?
Fin 2019, des historiens québécois et français se sont réunis, car ils partageaient le sentiment que la Nouvelle-France méritait d’avoir un magazine. Ce besoin se faisait sentir des deux côtés de l’océan. Au départ, la revue était éditée depuis la France. Cependant, comme la majorité des lecteurs se trouvaient au Québec, il a fallu trouver un nouveau berceau pour le titre. Les éditions du Septentrion, à Québec, ont rapidement été identifiées. Depuis 2022, la revue d’histoire de la Nouvelle-France est donc imprimée ici, deux fois par an, puis distribuée au Québec et en France. Nous avons installé un rendez-vous régulier avec les lecteurs, avides d’en savoir plus sur leur passé.
Quel est le public cible de la revue ? Nous visons un public très large aussi bien en Amérique qu’en Europe. Nos articles évoquent souvent l’histoire d’individus méconnus dont la vie se lit comme un roman. Nos ancêtres étaient très créatifs : ils avaient souvent une attitude étonnante qui génère de bons récits ! Notre revue contient ainsi de nombreux articles très accessibles, avec des ressorts dramatiques qui tiennent le lecteur en haleine. Les passionnés d’histoire y trouvent aussi leur compte, car nos pages véhiculent le fruit des recherches les plus récentes dans le domaine de la Nouvelle-France.
Quels sont les sujets et dossiers abordés dans le no. 3 ?
Le numéro 3 aborde la conquête des âmes. C’est un sujet très délicat, car on touche aux missions religieuses et à la conversion des
Autochtones. Nous racontons par exemple l’histoire d’un jeune Innu, éduqué par des moines récollets qui l’ont envoyé étudier en Europe au début du XVIIe siècle. À son retour au Canada, cet homme a connu une fin tragique. Le magazine revient sur le destin de cet Innu pour comprendre les ressorts de notre histoire. Côté inédit, un professeur nous dévoile sa découverte d’un ensemble de lettres mystérieuses rédigées en français, qu’il a découvertes à Toronto. Parmi ces récits se cache la folle saga d’un moine qui finit par rejoindre les Anglais. Nous avons traduit ce récit fascinant en bande dessinée. La revue se veut à la fois divertissante et très instructive.
En vous consacrant spécifiquement à la Nouvelle-France, n’avezvous pas peur d’épuiser rapidement tous les sujets ?
Bien au contraire, nous débordons de propositions originales. Un des prochains numéros reviendra par exemple sur les crimes non élucidés en Nouvelle-France. Nous allons poursuivre des enquêtes ouvertes il y a plusieurs siècles. Rassurez-vous, les archives regorgent de documents inédits !
Nous sommes à Saint-Paul-de-laCroix, à 35 km au nord de Rivière-duLoup, où 12 éoliennes comme celles-ci tournent lentement au gré du vent.
« C’est le plus petit parc de la région Bas-Saint-Laurent–Gaspésie », m’a expliqué en roulant dans la forêt le responsable de l’entretien d’Innergex, Mikaël Robichaud. L’entreprise de Longueuil compte 752 centrales comme celle-ci dans 42 parcs, de Rivière-du-Loup à Gaspé.
Comme Mikaël, les deux autres guides qui m’accompagnent au sommet avec leur casque, les sangles et les bottes sécuritaires, William Desjardins et Jean-Sébastien Roy, sont originaires de la région et c’est grâce à la filière éolienne qu’ils ont pu s’établir à quelques kilomètres d’ici avec leur famille.
« L’énergie éolienne a relancé l’économie de la Gaspésie », a tenu à expliquer au Journal le président d’Innergex, Michel Letellier, quelques jours avant le reportage. Les immenses pales qui font tourner les rotors sont produites par une compagnie de Gaspé et les structures des bâtiments de métal sont usinées à Matane.
LA PLUS HAUTE AU MONDE
Si le premier appel d’offres date de 20 ans – c’est en 2003 qu’Hydro-Québec annonce son intention d’acheter à des producteurs indépendants les premiers mégawatts d’énergie éolienne –, l’histoire de cette filière remonte à 1987. Les ingénieurs de la société d’État en collaboration avec des chercheurs de l’Institut de recherche en électricité et du Conseil National de Recherche Canada avaient créé à CapChat, près de Sainte-Anne-des-Monts, un prototype d’une centrale à axe vertical qui demeure à ce jour la plus haute centrale jamais construite.
Exploitée commercialement à partir de 1988, il y a 35 ans, elle produira 12 000 MW d’électricité jusqu’à un puissant coup de vent qui la désaxe subitement en 1992. Elle n’a jamais été remise en fonction.
Transformée en musée, l’ancienne structure trône aujourd’hui au milieu du plus ancien parc éolien du Québec, Le Nordais, comptant 130 turbines exploitées par TransAlta.
À l’aube d’un nouveau développement de la filière éolienne au Québec – la société d’État a lancé en 2023 un appel d’offres pour 1500 nouveaux mégawatts produits par le vent –, mes hôtes d’Innergex m’assurent que la population accepte de mieux en mieux cette filière énergétique.
ACCEPTABILITÉ SOCIALE
La MRC de Rivière-du-Loup est d’ailleurs partenaire du projet où nous nous trouvons et la compagnie a annoncé la deuxième phase du projet Mesgi’g Ugju’s’n à Rivière-Nouvelle, dans la MRC d’Avignon, en Gaspésie, qui comptera 24 éoliennes, en collaboration avec la première nation micmaque (Mi’gmaq). Ce sont 100 MW qui s’ajouteront aux 150 installés depuis 1996.
Le bruit causé par le vent dans les pales ne semble pas être un problème en cette journée peu venteuse. Quant aux oiseaux heurtés en plein vol par les hélices, ils sont rares selon mes interlocuteurs. « Je n’en ai vu qu’un seul en 11 ans, une perdrix qui a frappé la tour », résume M. Robichaud.