Le Journal de Quebec - Weekend

Murdochvil­le, le Klondike gaspésien

Écrivain gaspésien prolifique et talentueux, chercheur patient et méticuleux, Sylvain Rivière s’est plongé dans l’histoire unique de la ville de Murdochvil­le, au coeur de la Gaspésie, pour la raconter. Il lui a consacré deux ouvrages aux Éditions GID, l’u

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Sylvain Rivière, écrivain d’une grande authentici­té, s’est énormément investi dans ces deux projets : visites, recherche documentai­re, entrevues, rencontres.

« C’était intéressan­t. Au départ, c’était supposé être un livre de photos anciennes, mais quand j’ai commencé à faire la recherche, j’ai trouvé que c’était trop important, l’histoire de Murdochvil­le. Ça méritait tellement plus qu’un livre de photos. C’est une histoire qui n’est pas tellement connue de notre génération parce qu’à l’époque, l’informatio­n ne circulait pas tant que ça », commente-t-il en entrevue.

6000 PERSONNES

Il faut faire un détour pour aller à Murdochvil­le, une ville établie entre Mont-Louis et Gaspé, que l’on rejoint en empruntant la très côteuse route 198.

« Dans les années 1970, Murdochvil­le, c’était la plus grosse ville de la Gaspésie, avec 6000 personnes. Il y a eu là le premier aréna en Gaspésie, avant Gaspé même ! Il y avait tout. Une ville minière comme ça avait intérêt à donner le meilleur aux gens et tout était gratuit. Ça roulait gros !

« Ici, dans la baie des Chaleurs, à Carleton, c’est juste à deux heures et demie de Murdochvil­le, mais dans le fond, on ne connaissai­t pas ça. C’était vraiment un autre monde. À l’époque, c’était un monde fermé.

« Déjà, pour faire une ville là, il fallait vraiment qu’il y ait un potentiel. Ils n’ont pas fait ça par grandeur d’âme : il fallait faire des routes, il fallait amener l’électricit­é, faire toutes les infrastruc­tures, bâtir une ville. C’était quelque chose !

« Quand ils ont fermé la mine, ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus de cuivre. C’est parce qu’ils sont allés exploiter les Chiliens. Il y avait des gens là qui ont travaillé presque pour rien, comme des esclaves. Comme le prix du cuivre a remonté et que ça va en prendre pour les batteries électrique­s des autos, il y a un marché qui est florissant. La mine a été rachetée à la fin de l’été. »

LE GERMINAL DU QUÉBEC

En faisant ses recherches, Sylvain Rivière a été surpris de pouvoir confirmer plusieurs informatio­ns dont il avait vaguement entendu parler.

« Murdochvil­le, ça a été le Germinal du Québec, finalement. La grève de 1953 a fait deux morts. Il y a des gens qui sont venus de partout. C’était les débuts du syndicalis­me québécois, avec Asbestos. Il y a eu un mouvement national. La compagnie a fait venir des casseurs de grève – des scabs

– qui ont foutu le bordel. »

Il a trouvé intéressan­t de constater que plusieurs personnali­tés qui allaient devenir « les joueurs importants du Québec » sont allées à Murdochvil­le par la suite.

« On dit que c’est là que René Lévesque a pris toutes ses conviction­s politiques parce qu’il avait tourné une émission Point de mire pendant la grève et ça l’avait vraiment remué. Laberge était là. Chartrand était là. C’était tous des jeunes ! Il y avait un mouvement. Il y a des autobus qui sont venus de partout au Québec pour supporter ces grévistes-là. »

En recueillan­t les témoignage­s, il a rencontré une mère de famille qui a vécu la grève.

« Les femmes étaient là pour appuyer leurs maris, avec les bébés dans les carrosses. C’étant quand même héroïque pour l’époque. Mais nous, on ne savait rien de ça parce qu’à l’époque, qu’est-ce que tu veux, il n’y avait même pas encore pratiqueme­nt la télévision. »

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MURDOCHVIL­LE – LA REBELLE AUX VEINES DE CUIVRE Sylvain Rivière Les Éditions GID 2023

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