Le Journal de Quebec - Weekend
HAMELIN FASCINÉ PAR HENRY DAVID THOREAU
Louis Hamelin, écrivain québécois talentueux qui explore avec brio le genre littéraire appelé nature writing, a entamé en 2020 une trilogie autour de trois grands naturalistes nord-américains. Après avoir présenté Jean-Jacques Audubon dans Les crépuscules de la Yellowstone, il se penche sur Henry David Thoreau, figure de proue du mouvement écologiste, dans Un lac le matin.
Un matin de 1845, près de Concord au Massachusetts, l’Américain Henry David Thoreau s’installe dans la cabane en pin qu’il a construite à Walden Pond, avec l’idée d’y vivre à l’écart du monde, de planter des légumes et d’écrire.
Le livre qu’il tire de cette expérience, Walden ou la vie dans les bois, fera de lui le précurseur du mouvement écologiste, l’ancêtre du nature writing et une sorte de prophète de la contre-culture et de la simplicité volontaire.
Dans Un lac le matin, Louis Hamelin décrit ce personnage bienveillant et sensible, toutes ses contradictions, ses liens complexes avec son mentor, l’écrivain Ralph Waldo Emerson.
L’AMI D’UN CANADIEN FRANÇAIS
Il raconte aussi son amitié avec son voisin, le Canadien français Alex Therrien, qui est bûcheron et poseur de clôtures, mais qui avait aussi appris un peu de grec au Collège de Nicolet.
« Ça fait partie de l’histoire de Thoreau quand il habite au bord de son lac. On connaît l’existence d’Alex Therrien par Thoreau luimême parce que dans son chef-d’oeuvre, Walden ou la vie dans les bois, il a droit à un portrait de six pages. Il occupe une place particulière dans le livre et Thoreau en fait un portrait vraiment fascinant. On ne connaît pas grand-chose de plus que ce que Thoreau en a dit. »
ÉCRIRE AVEC UNE PLUME D’OISEAU
Louis Hamelin s’est penché sur la vie de Thoreau dans les moindres détails. « Henry était dans sa cabane et écrivait sur des grandes feuilles avec une plume d’oiseau qu’il travaillait avec un canif ! Je voulais le montrer en train d’écrire. On est en 1845 : ça m’a obligé à me demander avec quoi on écrivait à l’époque. J’ai découvert qu’il écrivait avec des plumes d’oiseau qu’il aiguisait. Il trempait ça dans un encrier et grattait le papier avec ça. »
« Il a fait plein de choses dans cette cabane-là : il méditait, marchait beaucoup, se baignait et écrivait quelques heures par jour. Il a quand même fini un livre là-bas et en a commencé un autre. Il n’a pas chômé pendant ces deux années, deux mois et deux jours. »
UN LAC EN BONNE ET DUE FORME
Il y a quelques années, Louis Hamelin est allé à Walden Pond – qui s’appelle aujourd’hui Walden Pond State Reservation.
« À l’époque c’était comme un village où plusieurs écrivains s’étaient installés. C’était à 40 km de Boston. Mais aujourd’hui, pas besoin de dire que c’est devenu la banlieue de Boston parce que la ville est beaucoup plus étendue. Le lac Walden est un beau petit lac dans un parc urbain qui est quand même assez boisé. »
OBSERVER LA NATURE
En examinant la vie de Henry David Thoreau, il a été frappé par sa fabuleuse qualité d’observation de la nature.
« Il avait un oeil et une oreille, et tous les sens poussés à une intensité extraordinaire. »
C’est quelqu’un qui développait une intimité avec son environnement, ajoute-t-il.
« Le printemps, il savait que telle fleur sauvage serait éclose dans telle partie de la forêt et faisait une sorte de pèlerinage pour rendre hommage spécialement à cette fleur-là. De la même façon, il rendait visite à des arbres. »
Pour cette raison, il qualifie Thoreau de « territorialiste ». « Un territorialiste, pour moi, c’est quelqu’un qui se situe aux antipodes d’un touriste. C’est quelqu’un qui est constamment en train de recenser son territoire. Et il en connaît toutes les richesses. »