Le Journal de Quebec - Weekend
« La violence mène à l’absurdité » – VINCENT PEREZ
À la fin du 19e siècle, en France, les hommes pouvaient encore se défier en duel pour sauver leur honneur. Dans Une affaire d’honneur ,son quatrième film derrière la caméra, l’acteur et réalisateur Vincent Perez revient sur cette époque qui, selon lui, fait écho avec le monde dans lequel on vit.
Une affaire d’honneur nous transporte à Paris, en 1887. Après avoir été témoin d’un duel qui a coûté la vie de son neveu, Clément Lacaze (Roschdy Zem), maître d’armes respecté, décide de venger ce dernier en défiant à son tour en duel l’homme qui l’a tué (Vincent Perez).
Il acceptera aussi d’enseigner l’art du duel à Marie-Rose Astié (Doria Tillier), une féministe en avance sur son époque.
Pour écrire le scénario du film – avec la complicité de sa conjointe, Karine Silla –, Vincent Perez s’est basé notamment sur un livre intitulé L’art du duel, écrit en 1886, qui servait de référence pour les dualistes de l’époque pour « le bon fonctionnement d’un duel ».
Selon ses recherches, il y avait à cette époque un duel par jour en France et un mort à tous les 35 combats. La moitié des personnes impliquées dans ces duels étaient des journalistes et des auteurs, accusés d’avoir sali la réputation de la personne qui les avait provoqués en duel.
« Ce qui m’intéressait dans l’idée de revisiter cette époque, c’est de voir comment elle fait écho à ce qu’on vit aujourd’hui », a expliqué l’acteur et réalisateur français, rencontré lors d’une visite à Montréal en novembre dernier.
« Si un homme décidait d’aller se battre en duel, c’est parce qu’il jugeait qu’il avait été humilié. Aujourd’hui, ça fait écho à la responsabilité d’assumer ce qu’on dit, sur les réseaux sociaux, par exemple.
« Mais je ne fais pas l’apologie du duel. Je fais surtout l’apologie de la paix pour montrer que la violence mène à l’absurdité. À un moment donné, on tourne en rond avec la violence. La seule manière d’en sortir, c’est d’en sortir. »
MAÎTRES D’ARMES
Au départ, Vincent Perez n’avait pas l’intention de jouer un rôle dans son film. C’est sa complice Karine Silla qui l’a convaincu de le faire, en soulignant sa grande expérience dans les films du genre (il a joué dans Fanfan la Tulipe, Le Bossu et Cyrano de Bergerac, entre autres).
« Karine m’a dit : “Tu fais un film sur une pratique que tu connais par coeur” », relate-t-il.
« C’est vrai que j’ai eu la chance de travailler avec les plus grands maîtres d’armes pour les films dans lesquels j’ai joué et que je totalise une trentaine de duels au cinéma en tant qu’acteur. Je me suis donc donné un rôle [celui du méchant]. Mais je peux vous dire que c’est difficile de diriger un plateau de tournage quand on est sur un cheval avec une épée à la main ! »
Une affaire d’honneur, à l’affiche depuis hier.
PARIS | (AFP) On n’arrête plus la cinéaste française Justine Triet. L’autrice d’Anatomie d’une chute, qui côtoie Martin Scorsese et Christopher Nolan dans la course à l’Oscar, pourrait devenir en France la deuxième femme à décrocher le César de la meilleure réalisation.
La réalisatrice de 45 ans, autrice de quatre films qui sont autant de portraits de femmes, avait déjà marqué l’histoire du Festival de Cannes en devenant la troisième cinéaste femme à décrocher, en mai, la Palme d’or.
Et ce, en imposant d’emblée sa patte, aussi chaleureuse et spontanée que sans concession sur ses engagements : plutôt que de triompher, elle met les pieds dans le plat et profite de la tribune cannoise pour défendre le modèle français de soutien au cinéma face au libéralisme.
Sans l’exception culturelle, « je ne serais pas là aujourd’hui », lâche-telle en recevant la Palme, dénonçant la volonté supposée du gouvernement de « casser » ce modèle.
« FIERTÉ »
Neuf mois plus tard, le visage souriant de Justine Triet s’affiche au milieu des plus grands noms du cinéma hollywoodien, tels que Martin Scorsese ou Christopher Nolan, nommés comme elle pour l’Oscar de la « meilleure réalisation ».
Mercredi, elle a également été nommée par l’Académie des César : elle peut espérer devenir, le 23 février, la deuxième réalisatrice de l’histoire à être sacrée dans cette compétition.
« INSTINCTIVE »
Passionnée par les luttes et les moments de tension sociale, Justine Triet est née le 17 juillet 1978 à Fécamp (Normandie). Elle grandit dans la capitale française.
« Ma mère a eu une vie assez complexe, travaillait et élevait trois enfants, dont deux n’étaient pas les siens. Mon père était très absent », raconte-t-elle à l’AFP.
À 20 ans, elle entre à l’École des Beaux-Arts de Paris avec la volonté de devenir peintre. Elle se consacrera finalement à la vidéo et au montage.
Après un premier documentaire sur les manifestations étudiantes de 2007, elle réalise un premier long métrage, La bataille de Solférino, en partie tourné le 6 mai 2012, jour du second tour de la présidentielle française remportée par le socialiste François Hollande.
Consommatrice assidue de séries, Justine Triet se voit consacrée avec Victoria (2016), porté par la comédienne française Virginie Efira en mère célibataire et avocate pénaliste en pleine crise de nerfs.
Elle signe à nouveau avec Efira pour Sibyl, où l’actrice incarne une romancière reconvertie en psychanalyste. Elle y met aussi en scène Sandra Hüller, une actrice allemande qui a le même âge qu’elle et dont le rôle principal dans Anatomie d’une chute lui vaut une nomination aux Oscars.
« Justine ne travaille pas comme les autres, elle fait vraiment du cinéma un art du collectif. Ça se fait ensemble même si, à la fin, c’est elle qui tranche », décrit à l’AFP sa fidèle productrice, Marie-Ange Luciani.
Dans la tribu Triet, on compte aussi son compagnon, l’acteur et réalisateur Arthur Harari, avec lequel elle a coécrit Anatomie d’une chute.
Si Justine Triet se dit « instinctive », son cinéma, qui ne laisse rien au hasard, est très réfléchi, « questionnant beaucoup les rapports entre les hommes et les femmes qui sont au centre de notre vie aujourd’hui ».
« Je n’ai pas attendu #MeToo pour que la personne qui vit avec moi travaille presque plus que moi avec les enfants à la maison », soulignait-elle avant le Festival de Cannes 2023, recevant sans chichis, casquette sur la tête, autour de la table de la cuisine de son appartement parisien.
« Je m’organise pour ne pas sacrifier mes ambitions. »