Le Journal de Quebec - Weekend
QUÉBEC SOUS LES BOMBES DE WOLFE !
SERA INTRONISÉ AU NATIONAL INVENTORS HALL OF FAME
C’est en fouillant dans les archives des Ursulines, à Québec, que Georges Gauthier Larouche a découvert l’identité de l’auteur d’un journal qui raconte le quotidien des habitants de la ville assiégée par l’armée britannique en 1759, mettant fin à un mystère de deux siècles et demi.
« Ce journal était bien connu des historiens, mais ils ignoraient qui l’avait écrit. Il s’agit de Médard-Gabriel Valette de Chevigny, un écrivain du roi de France », explique en entrevue l’ancien professeur de géographie de l’Université Laval qui a aussi étudié en histoire.
Passionné par la Nouvelle-France, M. Larouche a publié de nombreux travaux depuis 1974 sur l’architecture du Québec. C’est d’ailleurs en menant des recherches sur l’habitation de Champlain que son attention s’est portée sur des textes de Chevigny.
Il vient de publier le fruit de son travail minutieux et méthodique dans Médard-Gabriel Valette de Chevigny aux éditions Jean-François Larouche, une biographie de l’écrivain mais aussi une démonstration de la démarche de l’auteur.
DES BOULETS DANS SON HANGAR
Même s’il n’est pas reproduit dans l’ouvrage lancé en janvier dernier à Québec, le journal est présent dans chaque page. Et pour cause ; cette chronique relate les terribles épreuves des habitants bombardés par l’armée la plus puissante du monde à l’époque. Les Britanniques veulent à tout prix s’emparer de Québec, dont la situation géographique leur ouvrira la porte du continent.
Du 26 juin jusqu’au 26 septembre 1759, les bombardements se succèdent. Pas moins de 4000 troupes de terres, 2600 troupes de la marine, 15 000 miliciens et 8500 soldats prendront part aux batailles sanglantes, qui culmineront avec le décès des deux chefs d’armée, James Wolfe et Louis-Joseph de Montcalm.
Mais le quotidien des habitants assiégés est rarement mis en avant et ce journal de 60 pages est un des rares témoignages qui nous soit parvenu. On parle du quotidien des assiégés qui manquent de tout et qui craignent la prochaine attaque.
MERCI MONTCALM
Avant de disparaître, le texte a été reproduit à partir de l’original. Un seul des 30 feuillets recto-verso a été préservé, et il n’était pas signé...
C’est en mettant en lien deux récits d’un événement survenu près de la porte Saint-Jean que M. Gauthier Larouche a eu l’intuition d’avoir trouvé l’auteur du fameux récit.
Le journal relatait l’incendie d’un entrepôt de madriers attenant à une résidence dans la ville fortifiée où habitait l’écrivain du roi, et le même incendie était décrit dans un récit de Montcalm.
« C’était un indice assez clair que Chevigny était bien l’auteur de ce texte, mais j’ai retrouvé plusieurs autres événements qui enrichissaient cette thèse. Pour moi, il n’y a plus de doute possible », conclut le chercheur, qui place cette découverte parmi les plus importantes de sa carrière.
Le 18 janvier dernier, le National Inventors Hall of Fame a dévoilé la liste des personnalités intronisées lors de l’événement The Greatest Celebration of American Innovation, dont fait partie un inventeur bien de chez nous, JosephArmand Bombardier.
L’événement aura lieu le 9 mai au campus Walt Disney Imagineering à Glendale, en Californie. Cet événement annuel, l’un des plus attendus dans l’industrie de l’innovation, intronisera quinze pionniers dont les inventions vont des traitements contre le cancer aux effets spéciaux, en passant bien sûr par la motoneige.
UN PETIT GARS DE VALCOURT
Joseph-Armand Bombardier est né en 1907. Il est l’aîné d’une famille de huit enfants. Très jeune, il fait preuve d’une grande curiosité pour ce qui touche à l’univers de la mécanique. Dès l’âge de 13 ans, il crée un premier modèle réduit propulsé avec des petits engrenages d’horloge. Il monte et démonte les objets avec grand intérêt. Il patente même un petit moteur à vapeur pour accélérer la vitesse de rotation du rouet d’une tante et modifie un vieux fusil tout rouillé en canon format réduit. À 15 ans, il défait un vieux moteur Ford modèle T qu’il attache à une hélice en bois et qu’il fixe tant bien que mal à deux traîneaux. Son premier modèle de véhicule sur neige venait d’être inventé.
Son père aimerait bien qu’il porte la soutane, mais il voit bien que Joseph-Armand préfère revêtir la salopette du mécanicien.
Après avoir appris le métier au garage Gosselin à Stukely-Sud, puis le génie mécanique et électrique à Montréal, il se lance en affaires dans son premier atelier de Valcourt. Entre deux réparations de moteur, il travaille avec ses frères sur un prototype d’autoneige. Il faut savoir que dans les années 30, les routes du Québec n’étaient pas tellement déneigées, ce qui isolait évidemment les communautés rurales quelques mois par année.
MOMENT CHARNIÈRE
En 1934, après la perte de son fils de deux ans, décédé parce que l’enneigement des chemins avait rendu impossible son transport d’urgence vers l’hôpital, Joseph-Armand redouble d’efforts pour créer une autoneige efficace. Aidé de son équipe, il essaye d’imaginer un véhicule robuste qui remplacerait peut-être un jour les automobiles durant les hivers québécois.
L’année après le décès de son petit Yvon, il réussit à créer une roue d’engrenage recouverte de caoutchouc pour faire avancer son autoneige efficacement. Eurêka ! une réelle révolution des déplacements à l’échelle de la planète venait de naître.
Le Garage Bombardier se transforme alors en une véritable usine qui amènera la prospérité dans la région de Valcourt. Si les premiers véhicules de Bombardier sont vendus à des gens fortunés, rapidement les médecins et ceux qui offrent des services en zone éloignée vont l’adopter. Le succès de l’autoneige est tellement important qu’on doit agrandir l’usine pour répondre à la demande.
DEUXIÈME GUERRE MONDIALE
Durant le conflit armé, pour contrer le rationnement du matériel et la mobilisation de la main-d’oeuvre qui aurait pu freiner l’entreprise, Bombardier propose ses véhicules au ministère des Munitions et des Approvisionnements. On lui confie le mandat d’inventer une autoneige militaire pour transporter les soldats en zone nordique, comme en Norvège.
Les commandes de l’armée le forcent à construire ses autoneiges en partie à Montréal. On met en service la B1, puis des modèles blindés. Plus de 1900 de ces véhicules créés à des fins militaires vont être produits jusqu’en 1946.
SKI-DOO
Après la guerre, la production de véhicules destinés à des fins civiles reprend de plus belle. Bombardier met en marché des autoneiges servant d’ambulances, pour le transport en commun, pour les écoliers, pour la livraison, pour le service postal ou les sauvetages dans l’arrière-pays.
Dans les années 50, quand l’État réussit enfin à mettre en place un système plus efficace de déneigement des routes de campagne, encore une fois, le génie créatif de Bombardier l’amène à concevoir de nouveaux véhicules tous-terrains adaptés à d’autres besoins tels que pour l’industrie minière ou forestière, et même un tracteur à chenilles pour les fermiers. L’entreprise crée également une plus petite motoneige à une ou deux places, le Ski-Dog. Le monocoque ultraléger est chaussé de petits skis de bois et peut atteindre 40 km/h. L’engin sera rapidement rebaptisé le Ski-Doo. Cette motoneige changera de façon durable la vie des communautés du Grand Nord.
Joseph-Armand Bombardier décède bien jeune, à l’âge de 56 ans, le 18 février 1964. Entrepreneur remarquable et inventeur de génie, il invitera ses enfants, dans une lettre bien personnelle, à poursuivre son oeuvre.