Le Journal de Quebec - Weekend
JE N’AI JAMAIS EU LA RETRAITE EN TÊTE
Lorsqu’elle a commencé dans le métier, au début de la vingtaine, Dorothée Berryman se disait : « C’est le fun, je vais pouvoir faire cela toute ma vie ». La comédienne avait visiblement raison, car à 75 ans, elle continue d’enfiler les projets et les rôles d’une belle richesse.
Dorothée Berryman se décrit comme une femme accro aux nouvelles, à tout ce qui se passe dans le monde et aux grandes tendances. Elle lit tout ce qui lui tombe sur la main et est abonnée à différents journaux et magazines dont le New Yorker et le New York Times.
« Tout m’intéresse. Cela me rapproche de grands personnages qui ont réfléchi à des choses. C’est plaisant d’être en contact avec ces gens », explique la comédienne qui fait partie de la distribution du spectacle Aux grands maux les grands discours présenté au Gesù de Montréal en février et à la Salle Albert-Rousseau de Québec en mars.
LES MOTS DES GRANDS
En compagnie des comédiens Marc Béland (Nous, 5e rang), Naïla Louidort (5e rang, La faille, L’empereur) et Martin-David Peters (Indéfendable), la grande dame recrée sur scène des discours marquants récités à travers l’histoire. Lors de la rencontre de presse à laquelle Le Journal était convié, Dorothée Berryman est devenue Mère Teresa le temps de livrer l’émouvant discours qu’avait partagé la sainte femme en acceptant le prix Nobel de la paix en 1979.
Sur les planches, elle interprétera également la magistrale femme d’État française ayant été déportée à Auschwitz à l’âge de 16 ans, Simone Veil, reprend un discours de l’écrivain et philosophe américain d’origine roumaine Elie Wiesel et se transforme en la femme politique et l’organisatrice du mouvement des suffragettes britanniques ayant aidé les femmes à obtenir le droit de vote au Royaume-Uni, Emmeline Pankhurst.
« J’ai regardé tout ce que j’ai pu pour m’imprégner du rythme, du ton et de la personnalité de chacun. Ces discours m’émeuvent tous à différents niveaux. Celui d’Hitler glace le sang, le discours d’Obama parle de manière puissante de racisme. On voit que l’humanité prend du temps à changer. Tous les discours féministes me touchent aussi beaucoup », explique celle qui a vu sa mère se battre, étant de la génération où les femmes n’avaient pas le droit de vote.
La pauvreté, l’environnement, le fascisme, les droits des femmes et l’indifférence sont autant de sujets abordés dans ces grands discours qui sont encore furieusement d’actualité.
Si elle enfile les beaux rôles depuis quelques années, ce n’est malheureusement pas le cas pour plusieurs amies et collègues de sa génération.
Dorothée Berryman joue un personnage important dans la troisième saison de la série La faille, devient la mère de François (Émile Proulx-Cloutier) dans Avant le crash et interprète une femme d’âge mûr ayant une forte libido dans la série comique Sans Rendez-vous .Onla voit aussi dans le film Les jours heureux.
LE PRIVILÈGE D’ÊTRE UNE ARTISTE
Se sent-elle privilégiée ?
« Oui, je réalise le privilège d’être une artiste. Chaque fois qu’il se présente quelque chose d’intéressant, travailler m’intéresse. J’aime être en équipe. Une amie actrice disait récemment en entrevue : “Avec l’âge, on nous offre moins de rôles et on est plus sélectives (rires)”. Plus sérieusement, plusieurs bonnes comédiennes de ma génération ne travaillent pas, ce qui est dommage », estime-t-elle.
L’interprète se plaît à raconter son enfance où on la faisait danser et chanter lorsqu’il y avait de la visite à la maison et à parler de ce professeur qui lui permettait de monter sur la tribune pour réciter des poèmes devant la classe. Elle se souvient aussi de ses années de théâtre amateur.
« Ça a toujours été là », dit avec émotion celle à qui Paul Hébert a offert le rôle d’Élise Lacroix dans la pièce Pygmalion en 1971. Ce qui a changé sa vie à jamais.
« J’ai alors su que je voulais faire cela. Paul m’a donné la confiance qui donne des ailes. Il m’a aussi dit : “Va à Montréal si tu souhaites en faire ton métier” », chuchote-t-elle.
Actrice et chanteuse, Dorothée Berryman se fait également une joie de poursuivre sa tradition de livrer des concerts au club de jazz Upstairs à Montréal, quelques jours avant la SaintValentin. Avis aux amoureux, elle fera deux représentations consécutives en soirée, le 10 février.
■ Le spectacle Aux grands mots les grands discours est présenté chaque jour jusqu’au 10 février au Gesù de Montréal, ainsi que le 24 mars à la Salle Albert-Rousseau à Québec et le 18 mai au Théâtre des Patriotes à Sainte-Agathe.