Le Journal de Quebec - Weekend
LES AVENTURES AMÉRICAINES D’HONORÉ BEAUGRAND
Honoré Beaugrand est un personnage fascinant de notre histoire. Militaire, journaliste, propriétaire de journaux, homme politique et auteur, il fut également un grand voyageur.
Dès l’âge de 17 ans, le natif de SaintJoseph-de-Lanoraie quitte Montréal après une formation militaire pour ne revenir au pays que 13 ans plus tard.
AVEC MAXIMILIEN AU MEXIQUE
La première destination de Beaugrand après son départ a été le Mexique. En quête d’aventures, francophile convaincu, il part combattre dans l’armée de l’empereur Maximilien.
Dans un Mexique en ébullition, alors que les Américains s’entredéchirent pendant la guerre de Sécession, Napoléon III tente d’établir un protectorat français.
Honoré Beaugrand participe au combat pendant 18 mois. L’aventure française se termine mal, et l’empereur Maximilien est exécuté à la fin d’un règne de quatre ans (1863-1867).
De ce passage au Mexique, Beaugrand ne dira que peu de choses. Il n’en reste qu’une nouvelle intitulée Anita : Souvenirs d’un contre-guerillas.
ERRANCES AMÉRICAINES
Après un court séjour en France, l’auteur de La chasse-galerie se dirige vers les États-Unis. Il séjourne successivement en Louisiane, une fois de plus au Mexique et en Floride.
C’est en Louisiane qu’il s’initie au métier de journaliste, écrivant pour deux publications francophones, La Renaissance louisianaise et L’Abeille.
Il retourne au Mexique en 1869 avant de joindre la marine américaine à Pensacola en Floride. Déçu, il abandonne son poste en 1871. Selon son biographe Jean-Philippe Warren, on le chargeait de maintenir l’ordre dans la société civile alors qu’il rêvait de sillonner les mers*.
IL DEVIENT FRANCO-AMÉRICAIN
Lorsqu’Honoré Beaugrand s’installe à Fall River au Massachusetts, ce n’est pas tant la durée de son séjour dans cette région (1871-1878) qui marque l’imaginaire, mais plutôt son activité fébrile, le développement de sa pensée, ses nombreuses réalisations et son mariage à Eliza Walker, une Américaine protestante et libérale.
Pendant ce passage en FrancoAmérique, il lance deux journaux. Après avoir créé L’Écho du Canada, vendu en 1875, il gère La République.
S’il défend ses compatriotes et s’impose comme un meneur parmi eux,
Honoré Beaugrand révèle de plus en plus une pensée libérale radicale qui ne sied guère aux élites religieuses catholiques qui ont migré avec les Canadiens français.
On peut affirmer sans se tromper que notre homme a été inspiré par le modèle de la presse américaine, expérience qui sera bénéfique lorsqu’il lancera des journaux, dont La Patrie, au nord de la frontière.
Impossible de terminer ce rapide survol de ses pérégrinations nord-américaines sans mentionner les écrits qu’il rédige à Fall River. Je pense principalement au roman Jeanne la fileuse : épisode de l’immigration franco-canadienne aux États-Unis.
C’est de ce roman, documentant les causes de la migration et les conditions de vie des Franco-américains que je tire les mots de la fin : « Ce n’est pas le manque de patriotisme qui pousse l’émigrant canadien vers les ÉtatsUnis ; ce n’est pas l’amour exagéré des richesses ni l’appât d’un gain énorme ; c’est une raison qui prime toutes celleslà : c’est le besoin [...]** »
*Jean-Philippe Warren. Honoré Beaugrand. La plume et l’épée. Montréal, Boréal, 2015, p. 96. **Honoré Beaugrand, Jeanne la fileuse : épisode de l’immigration franco-canadienne aux États-Unis. Fiske and Munroe, Fall River, 1878, p. 202.
Né le 1er janvier 1923, il s’enrôle en 1940 dans les Fusiliers Mont-Royal. Comme il n’a que 17 ans, il ment sur son âge et son prénom. Il dit s’appeler Roméo. À Londres, il est muté au Corps canadien du renseignement. En raison de sa connaissance du français, il est recruté par le Special Operations Executive (SOE), le service secret créé par Winston Churchill pour soutenir les mouvements de résistance dans l’Europe occupée par les nazis. Il suit une formation d’opérateur radio.
Dans la nuit du 2 au
3 mars 1944, le lieutenant Sabourin, âgé de 21 ans, est parachuté en France occupée avec le capitaine Adolphe Rabinovitch, un Russo-Égyptien avec pour mission d’organiser un réseau de résistance, au nom de code BARGEE.
Ancien de la Légion étrangère, Rabinovitch avait déjà accompli une mission en France, réussissant à ne pas être capturé et à rejoindre l’Angleterre. Cette fois, la Gestapo est au courant du largage et attend Sabourin et Rabinovitch. Dès qu’ils se libèrent de leur parachute, ils entendent des voix allemandes. Ils se cachent dans un boisé, mais sont découverts. Dans l’échange de coups de feu, ils réussissent à abattre deux Allemands avant d’être blessés et capturés.
C’est que l’Abwehr (renseignement militaire allemand) avait capturé en 1943 deux autres agents canadiens du SOE, Frank Pickersgill et John
Macalister. Se faisant passer pour Pickersgill, les Allemands réussirent à plusieurs reprises à faire parachuter des agents qui furent tous capturés dès leur atterrissage. Parmi eux se trouvaient Sabourin et Rabinovitch. Il fallut un an aux Anglais pour découvrir le subterfuge.
DE PARIS À BUCHENWALD
Devant l’avance des alliés en France après le débarquement de Normandie de juin 1944 et leur entrée imminente à Paris (25 août 1944), les Allemands transfèrent la majorité des prisonniers alliés détenus dans des prisons parisiennes en Allemagne le 20 août 1944.
Parmi eux se trouvent 26 aviateurs canadiens et 36 membres des services secrets britanniques, dont Roméo Sabourin, Frank Pickersgill et John Macalister, qui, le 27 août 1944, sont incarcérés au camp de concentration de Buchenwald, où ils seront exécutés le 14 septembre 1944.
Suspendus à des crochets aux murs du sous-sol du crématorium du camp, ils subirent une exécution lente et douloureuse par étranglement avec une corde à piano. Il fallait environ 20 minutes pour que le supplicié meure. Adolphe Rabinovitch fut envoyé au camp de concentration de Gross-Rosen en Pologne, où il a été gazé.