Le Journal de Quebec - Weekend
La riche histoire des anciennes brasseries de Québec
La consommation de la bière est très ancienne chez nous. L’historien Marcel Trudel rapporte que Marie Rollet, l’épouse de Louis Hébert, avait chez elle une grande chaudière à brasserie. Plus tard, on en brassera également chez Guillaume Couillard, chez les Pères récollets, au monastère jésuite de NotreDame-des-Anges et même chez les religieuses de l’Hôtel-Dieu.
L’une des premières industries de la Nouvelle-France a été une brasserie. À compter de 1665, il existait la brasserie de la Communauté des Habitants de Québec, mais rapidement, elle aura à faire face à la concurrence d’une « brasserie d’État ».
1 LA BRASSERIE DE JEAN TALON
C’est par un arrêt du Conseil souverain daté du 5 mars 1668 que le gouverneur Daniel de Rémy de Courcelle confiait à l’intendant Jean Talon l’établissement d’une brasserie. Ce qui est moins connu, c’est qu’on voulait mettre un frein à la trop grande consommation de vin et d’eau-de-vie qui nourrissait la débauche et l’ivrognerie.
La construction de la brasserie s’amorce dans le faubourg Saint-Nicolas, au pied de la côte du Palais, et la production de bière débute en 1670. Toutefois, cette industrie sera éphémère puisqu’il semble qu’elle ait cessé sa production dès 1673, après seulement quatre années d’activités. Selon le gouverneur Frontenac, cette bière était très bonne, mais son prix était assez élevé. C’est probablement ce qui explique sa brève existence. Il faudra attendre 200 ans avant qu’une autre brasserie n’apparaisse sur ce site.
2 LA BOSWELL
John Knight Boswell est né à Dublin, en Irlande, en 1812. Il apprend son métier de brasseur à Édimbourg, en Écosse. Il arrive à Québec en 1830 et il travaille pour la brasserie de John Racey située sur la rue Saint-Paul, au pied de la côte de la Canoterie. En 1853, il décide de voler de ses propres ailes et d’ouvrir sa brasserie, la Boswell Brewery. Il acquiert alors la propriéréaménage té du boulanger James Clearihue qu’il en brasserie.
Le hasard a voulu que ce site soit celui où se trouvait jadis la brasserie de Jean Talon.
Ses affaires fonctionneront rondement. Ainsi, en 1870, il emploie 75 hommes et produit annuellement 3 millions de litres de bière. Dans les années 1880, il passe la main à ses fils, qui poursuivent l’aventure jusqu’en 1909, au moment où l’entreprise est absorbée par la National Breweries Limited de Montréal.
Dow avait une origine assez ancienne puisque son fondateur, William Dow, avait appris son métier au début des années 1820 auprès du brasseur Thomas Dunn à Laprairie. En 1824, ils deviennent associés. Dunn décède en 1834. William Dow rachète alors les parts du défunt et ouvre sa propre brasserie.
En 1952, c’est la Canadian Breweries Limited qui met la main sur l’entreprise. Cette brasserie sera en activité jusqu’à sa fermeture dramatique survenue en 1968.
La funeste saga débute le 15 août 1965 alors qu’un homme est admis à l’Hôtel-Dieu de Québec souffrant d’insuffisance cardiaque. Huit mois plus tard, ils sont 48 à avoir été admis au même hôpital, pour le même problème. Vingt en mourront. Ils ont tous un point en commun : ils sont de gros buveurs de bière Dow.
L’acharnement du pathologiste
Jean-Louis Bonenfant lui fait découvrir que les victimes ont été intoxiquées au cobalt. Rapidement, on découvre des cas identiques ailleurs en Amérique du Nord et en Europe. L’enquête démontrera par la suite que Dow ajoutait du cobalt à sa bière pour la faire mousser davantage, et ce, uniquement dans sa brasserie de Québec. En effet, une étude avait démontré que les buveurs de la capitale préféraient leur bière avec un haut collet. Alors…
Le 30 mars 1966, la brasserie Dow de Québec procède au raptroules pel de toute sa bière se vant dans les tavernes, épiceries et les entrepôts, puis elle la déverse dans les égouts municipaux. C’est la fin du drame, mais Dow ne s’en remettra jamais. Elle ferme définitivement ses portes en 1968.