Le Journal de Quebec - Weekend
ROMANS D’ICI BATAILLE D’IDÉES EN SOL MONTRÉALAIS
Dans le Montréal des années 1930, il vaut le coup de suivre Stan, jeune chômeur sensible aux idéaux de son entourage, mais capable de tremper dans des affaires louches !
Avec Para bellum, l’auteur Marc Ménard donne une suite à son intéressant roman Un automne rouge et noir paru il y a deux ans et qui nous faisait vivre la troublante crise économique et politique qui a précédé la Seconde Guerre mondiale.
S’il n’est pas indispensable d’avoir lu le premier volet pour comprendre les enjeux soulevés dans ce nouvel ouvrage, cela permet de mieux le savourer. On mesure ainsi l’évolution de la maîtrise de Ménard sur son récit.
Para bellum est en effet plus solidement assis que le titre précédent, historiquement passionnant, mais dans lequel Stan s’empêtrait dans les contradictions. Cette fois, on comprend mieux les motivations du personnage.
Une année a passé, celui-ci a vécu de rudes désillusions, il sait maintenant qu’il n’est pas un idéaliste… ni un criminel. Mais la vie reste difficile en 1937.
Sur le plan social, deux idéologies s’affrontent. Il y a d’un côté les communistes, et la mise en place de syndicats pour assainir un monde du travail rongé par l’exploitation. Léa Roback en est l’incarnation.
Et de l’autre on trouve le fascisme et l’antisémitisme, nourris au Québec par les troupes d’Adrien Arcand, aussi dans le roman.
Les militants extrémistes restent en marge de la société, mais ils font parler d’eux. Leur vocabulaire est violent, les insultes pleuvent, et parfois les coups. Et comme tout se déroule dans un hiver sans neige, sur fond de crise économique et de fausses nouvelles, on tire des parallèles avec aujourd’hui !
À nouveau, Stan circule entre ces deux mondes. Mais il y ajoute un flirt avec la bourgeoisie, en raison d’une aventure avec une artiste-peintre qui vit en couple ouvert avec son riche mari.
Partout, Stan tente de tirer son épingle du jeu, sans voir qu’il est plutôt en train de s’emmêler les pinceaux.
Et il se retrouvera encore arme à la main. Para bellum signifie « prépare la guerre » et on se demande bien comment il va s’en sortir ! Côté roman noir, c’est donc réussi.
L’AMBIANCE DE LA VILLE
Mais le récit nous offre aussi des plaisirs… géographiques. L’action se déroule dans des lieux montréalais bien identifiés : des édifices, des tavernes, des restaurants, des cinémas qui ont marqué la mémoire. À chacun ses souvenirs !
Mais la ville, ici, sert plus que de scène pour l’action. L’emplacement des imprimeries, des librairies, des usines, des salles de presse est en soi un marqueur des affrontements politiques de l’époque, aujourd’hui oubliés.
Là est justement la force du roman de Marc Ménard : ramener les batailles idéologiques sur terre, en les inscrivant dans les rues montréalaises et en les faisant passer par un personnage qui n’est pas un militant.
C’est d’ailleurs Stan qui en fera le constat. Il est en fin de compte bien seul avec les ombres qu’il porte. Un homme moderne, conclut avec prescience Ménard.
PARA BELLUM
Marc Ménard Éditions Tête première 184 pages