Le Journal de Quebec - Weekend

10 CHOSES À SAVOIR SUR LES PRODUCTEUR­S ÇA FAIT TELLEMENT DE BIEN DE REVENIR ICI

- BRUNO LAPOINTE BRUNO LAPOINTE Le Journal de Montréal bruno.lapointe @quebecorme­dia.com – SERGE POSTIGO

C’est de l’esprit tordu de Mel Brooks qu’est née l’intrigue de la comédie musicale Les Producteur­s. On l’a d’abord découverte au cinéma dans le film de 1967 mettant en vedette Zero Mostel et Gene Wilder.

En 1969, Mel Brooks mettait la main sur l’Oscar du meilleur scénario, Les Producteur­s ayant été préféré au classique de science-fiction 2001, L’Odyssée de l’espace, en lice pour le même prix.

La comédie musicale a fait le saut vers Broadway en 2001. Nathan Lane et Matthew Broderick s’y glissaient dans la peau des personnage­s-titres pour plus de 2500 représenta­tions données au mythique St. James Theater de New York.

Les Producteur­s est devenue la comédie musicale la plus primée de l’histoire de Broadway en remportant 12 prix lors de la remise des prix Tony de 2001. Le disque tiré du spectacle a quant à lui remporté le prix Grammy du Meilleur album de comédie musicale, l’année suivante.

Le spectacle a battu un record de recettes sur Broadway, engrangean­t des ventes de plus 3,5 millions $ US (plus de 4,75 millions $ CA) pour une seule et même représenta­tion.

Nathan Lane et Matthew Broderick ont repris leurs rôles de Max Bialystock et Leo Bloom pour l’adaptation cinématogr­aphique de la comédie musicale, en 2005. Ils étaient pour l’occasion entourés de Will Ferrell, Uma Thurman, Roger Bart et Andrea Martin.

L’intrigue du spectacle s’articule autour de près de 25 numéros musicaux.

Avant d’être adaptée au Québec, la comédie musicale Les Producteur­s a été jouée dans plus d’une quarantain­e de villes sur la planète, de Londres à Tokyo, en passant par Budapest, Madrid, Rio de Janeiro, Tel-Aviv et Melbourne.

La version québécoise de la pièce Les Producteur­s réunit 24 artistes sur scène. En plus des trois têtes d’affiche, on y retrouvera Benoît Finley, Thiery Dubé, Jean-Luke Côté, Tommy Durant, Jordan Donoghue et Kathline Gréco, pour ne nommer que ceux-là.

En tout, ce sont 175 costumes qui permettron­t de donner vie aux différents personnage­s du spectacle sur la scène du Théâtre St-Denis, puis du Capitole de Québec.

Après plusieurs années passées sur les scènes de France, Serge Postigo retrouve enfin le public québécois. Et il ne s’est pas facilité la tâche pour ce grand retour, signant à la fois l’adaptation, la traduction et la mise en scène de la comédie musicale Les Producteur­s… en plus d’y tenir la vedette. Le défi est colossal, « mais ça fait tellement de bien de revenir ici », confie-t-il.

La comédie musicale Les Producteur­s, Serge Postigo la connaît par coeur ; de 2021 à 2023, il l’a jouée près de 400 fois devant nos cousins français, sur la scène du Théâtre de Paris.

La logique aurait donc voulu qu’il s’inspire du travail fait par le metteur en scène Alexis Michalik et par le traducteur Nicolas Engel, tous deux maîtres d’orchestre de la version parisienne. Après tout, celle-ci a maintes fois fait ses preuves, remportant deux prix Molière en 2022.

Pourtant, Serge Postigo a choisi de faire table rase pour la présenter au public québécois. Il est ainsi retourné puiser à la source – dans l’oeuvre originale signée Mel Brooks – pour bâtir une nouvelle traduction, adaptation et mise en scène.

« Le public québécois est complèteme­nt différent du public français. On n’a pas les mêmes références, les mêmes a priori… Alors il fallait arriver avec une version faite sur mesure pour les Québécois. Ça a toujours été clair pour moi », souligne Serge Postigo en entrevue avec Le Journal.

« DIX FOIS PLUS DE TRAVAIL »

La tâche, il l’avoue, a été infiniment plus complexe que celle qu’il a abattue par le passé pour porter Mamma Mia !, Mary Poppins, Footloose ou Fame sur nos scènes. La simple traduction de cette mouture québécoise du spectacle aura nécessité au total une dizaine de journées de travail de plus d’une quinzaine d’heures chacune.

« C’est dix fois plus de travail de repartir à zéro. Le texte français est tellement ancré en moi que je dois me battre contre ça en apprenant ma version québécoise. Tant que je suis concentré, tout va bien. Mais dès qu’il y a une petite distractio­n, mon cerveau va aller chercher par réflexe le texte que j’ai joué à Paris », confie Serge Postigo.

« Et il ne faut pas oublier que Les Producteur­s, c’est une comédie. C’est hilarant. Mais pour que ça fonctionne, il ne suffit pas simplement de traduire le texte ; il faut savoir conserver l’essence de Mel Brooks et l’ancrer dans nos références, dans notre culture », ajoute-t-il.

L’intrigue a donc beau se teinter d’un accent québécois, elle demeure la même qu’à l’époque. On y suivra un producteur de Broadway au bord du gouffre (Serge Postigo) cherchant à tout prix à renflouer ses coffres. Et quand un comptable (Tommy Joubert) lui apprend qu’un flop monumental pourrait s’avérer plus profitable financière­ment qu’un succès retentissa­nt, les deux hommes tenteront de mettre en scène la pire comédie musicale jamais écrite.

Mais, bien évidemment, ce stratagème n’aura pas les effets escomptés.

UN HUMOUR QUI DÉCAPE

Serge Postigo le sait, Les Producteur­s ale potentiel de froisser certaines sensibilit­és en raison de son humour, disons, politicall­y incorrect. Car tout au long du spectacle, différents groupes de la société en prennent pour leur rhume, tant les producteur­s que les homosexuel­s, les femmes, les Juifs et les Allemands y étant écorchés à grands coups de répliques cinglantes.

En cette ère de rectitude où certains gags sont scrutés à la loupe, certains seraient nerveux à l’idée de les enfiler sur scène, soir après soir. Mais pas Serge Postigo.

« Je ne suis pas stressé du tout. Mais je le serais si c’était présenté à la télévision », avancet-il. « Parce que dans le cas de la télévision, les gens ne choisissen­t pas nécessaire­ment de regarder une émission. Les gens qui font le choix de voir un spectacle en achetant leur billet, eux, ils savent – on l’espère – à quoi s’attendre. Et c’est un show qui existe depuis si longtemps ; la comédie musicale a gagné 12 Tony Awards dans la même soirée, le film a gagné l’Oscar du meilleur scénario original. Alors le matériel, il a fait ses preuves », termine-t-il.

« FAIRE CONFIANCE » AUX QUÉBÉCOIS

Le spectacle a tout de même connu certains – rares, Dieu merci – débordemen­ts chez des spectateur­s offusqués lors des représenta­tions parisienne­s. Marianne Orlowski, qui reprend ici le rôle d’Ulla qu’elle incarnait outre-Atlantique, en a été témoin.

« 98 % des spectateur­s étaient ravis, hilares. Il y a quand même eu quelques personnes qui, pour des raisons qui leur incombent, n’ont pas adhéré à ça ou saisi le second degré. Mais je pense que ça fait du bien de balayer certains débats, d’entrer dans cette satire et de rire un bon coup. Je ne connais pas encore le public québécois, mais je décide de lui faire confiance », plaide-t-elle.

Tommy Joubert abonde également dans le même sens, réitérant sa confiance envers le public d’ici.

« Ce spectacle-là, c’est la définition de l’irrévérenc­e. Et ça, je pense qu’on le comprend bien ici, qu’on est capables de saisir le deuxième degré. Peut-être que certaines personnes vont être choquées ou offusquées, mais ce n’est pas quelque chose qui va m’atteindre, personnell­ement », avance Tommy Joubert.

La comédie musicale Les Producteur­s est présentée au Théâtre St-Denis de Montréal jusqu’au 14 avril. Elle s’installera au Théâtre Capitole de Québec à compter du 27 juin.

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