Le Journal de Quebec - Weekend
LE SUSPENSE CONTEMPLATIF DE ROBERT MORIN
Deux ans après la sortie de son documentaire 7 paysages qui suivait l’évolution d’une forêt anonyme au fil des saisons, le cinéaste Robert Morin poursuit son exploration de la nature avec Festin boréal, son nouveau film qu’il décrit lui-même comme « un su
Le scénario de cette nouvelle offrande du réalisateur de Requiem pour un beau sans-coeur et Le problème d’infiltration est tout simple : atteint par la flèche d’un chasseur, un orignal réussit à échapper à ses poursuivants pour aller mourir au milieu de la forêt.
Sa carcasse abandonnée servira bientôt de buffet pour tous les insectes et animaux de la forêt.
Sans surprise, Robert Morin a eu l’idée du film après une partie de chasse.
« Je vis dans le bois depuis 40 ans et je vais souvent à la chasse à l’orignal, relate le cinéaste de 74 ans en entrevue au Journal.
« Un jour, un ami a tiré un orignal et celui-ci a réussi à s’enfuir. On l’a retrouvé seulement trois jours plus tard. On l’a laissé là parce qu’il n’était plus comestible. Mais quand on est retournés au même endroit six mois plus tard, il ne restait plus rien. Or, c’est gros, une carcasse d’orignal.
En combien de temps ça peut disparaître ? »
C’est en se posant cette question que Robert Morin a réfléchi à une façon de filmer une carcasse d’orignal pendant plusieurs mois afin d’observer les comportements des animaux qui iraient se servir à ce « festin boréal ».
Ce concept lui offrait aussi l’occasion d’essayer de réaliser un nouveau film sans musique, sans dialogues et sans comédiens, à l’image de 7 paysages ,son long métrage précédent.
« Je me suis toujours beaucoup questionné sur le cinéma, rappelle-t-il. C’est la raison pour laquelle je ne me vois pas vraiment en cinéaste. Je me considère plus comme un artiste conceptuel qui fait du cinéma. »
UN TOURNAGE EXIGEANT
Robert Morin ne s’en cache pas : Festin boréal a été un des projets les plus complexes à réaliser de sa carrière. Le film a été tourné sur une période de trois ans avec de réelles carcasses d’orignaux (sept, en tout) fournies par le ministère des Transports et dissimulées à différents endroits dans le parc de La Vérendrye. « C’est le film le plus difficile que j’ai fait, admet-il. Je n’avais pas d’équipe avec moi. J’allais moi-même changer les batteries sur les caméras plusieurs fois par semaine avec un chum trappeur. C’était très exigeant et les instants de découragement ont été nombreux. On a failli tirer la plogue à plusieurs reprises. Mais je suis très content du résultat. C’est un film animalier, mais particulier. »
Même s’il connaissait déjà bien la forêt boréale, Robert Morin dit avoir appris beaucoup de choses sur les animaux – comme l’extrême patience des loups – en visionnant les images captées par ses caméras. Mais il a surtout été frappé par l’utilité de la mort.
« Dans la forêt, la mort est utile. Elle n’est pas une chose terrifiante comme chez l’être humain », indique-t-il.
« Pour moi, c’est un film sur la prédation humaine. Je voulais montrer comment on est seulement des prédateurs et qu’on n’est pas insérés dans la nature. On agresse la nature tout le temps et on est la seule espèce pour qui la seule utilité de la mort est intellectuelle. C’est un film qui nous renvoie à notre relation avec la nature et à notre complexe de supériorité par rapport àelle.»
■ Festin boréal est à l’affiche depuis hier.