Le Journal de Quebec - Weekend
L’Acadien qui mena des décennies de guérilla contre les Anglais
Joseph Broussard dit Beausoleil naît près de Port-Royal (Upper Granville) en Nouvelle-Écosse en 1702. Lui et sa famille consacreront leur vie à encourager les Acadiens à la résistance et à diriger des guerres de guérilla contre les Anglais.
Avec ses alliés autochtones, Beausoleil mena des raids contre des colonies et des troupes britanniques pendant des décennies après la conquête de l’Acadie cédée aux Anglais par Louis XIV en 1713 (traité d’Utrecht). Les Anglais n’occupent alors que la Nouvelle-Écosse péninsulaire, le reste de l’Acadie, l’Isle Saint-Jean (Île-duPrince-Édouard) et l’Isle Royale (île du Cap-Breton) demeurent françaises.
Les pressions britanniques pour étendre leurs colonies vers le nord provoquent une série d’affrontements avec la Confédération Wabanaki (Abénaquis, Micmacs et Malécites), alliée des Français. Avec le prêtre Jean-Louis Le Loutre, Broussard relance le mouvement de résistance contre la domination britannique. La France compte sur des missionnaires pour susciter la résistance des Acadiens et des Amérindiens catholiques de Nouvelle-Écosse pour la reprendre aux Anglais protestants. Les Acadiens ne veulent pas passer sous leur domination et vivre ce que les Irlandais catholiques subissent sous la férule des Anglais protestants.
Vers 1727, Broussard s’établit avec son épouse, Agnès Thibodeau, près de Moncton, N.-B., sur la rivière Petitcodiac. Le couple aura 11 enfants.
UN ENNEMI IRRÉDUCTIBLE
Pendant la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), Beausoleil porte assistance à différentes expéditions lancées contre les Anglais par des détachements français venus du Québec.
En juin 1755, alors que les Anglais s’emparent du fort Beauséjour (près de Sackville, N.-B.) Broussard pousse l’audace jusqu’à attaquer un campement anglais avec 60 Acadiens et Autochtones.
Muni d’un sauf-conduit, il va ensuite se proposer au commandant britannique, le colonel Robert Moncton, comme médiateur entre les Anglais et les Indiens, à la condition qu’on lui accorde l’amnistie. Moncton accepte.
Il est quand même emprisonné au fort Lawrence à l’automne 1755, d’où il est déporté en Caroline du Sud avec son fils, Victor. De Charleston, avec d’autres Acadiens, il entreprend le long voyage pour revenir en Acadie par le Mississippi et le Saint-Laurent, selon les recherches de l’historien acadien Ronnie-Gilles LeBlanc.
Durant la guerre de Sept Ans (17561763), Broussard-Beausoleil, avec ses fils, guerroie contre les Anglais. En 1757, le gouverneur Vaudreuil autorise Beausoleil à armer un navire pour livrer une guerre de course aux Anglais dans la baie de Fundy. Même après la chute de Louisbourg (1758) de Québec (1759) et de Montréal (1760), BroussardBeausoleil et des Acadiens continuèrent de résister aux Anglais. En août 1761, un officier écrit au général Jeffery Amherst, commandant en chef des forces britanniques en Amérique : « Ces gens sont ancrés dans leur opiniâtreté à cause d’un certain Beausoleil […] et […] se sont rendus tellement odieux aux Anglais qu’ils sont conscients du traitement qui les attend s’ils viennent à tomber entre nos mains ». Au début de 1762, Beausoleil et sa famille sont capturés par les Anglais et amenés au fort Edward (Windsor, N.-É.).
Des documents obtenus par l’historien Ronnie-Gilles LeBlanc indiquent que Beausoleil est embarqué le 9 août 1762 à bord d’un navire et transporté en Angleterre. Il sera libéré le 10 mars 1763, un mois après la signature du traité de Paris qui accorde aux Anglais la possession de la Nouvelle-France et de l’Acadie.
Il est de retour en Nouvelle-Écosse à l’été 1763.
L’EXIL VOLONTAIRE PLUTÔT QUE LA SOUMISSION
Beausoleil refuse de prêter le serment d’allégeance à la Couronne britannique. Avec 600 Acadiens, il décide en novembre 1764 d’aller par bateau s’établir aux pays des Illinois en passant par les Antilles et le Mississippi.
Dès février 1765, Beausoleil et sa famille arrivent à La NouvelleOrléans avec un premier groupe d’Acadiens. Les autorités coloniales françaises les convainquent de demeurer en Louisiane, leur offrant des terres. Beausoleil est nommé capitaine de milice et commandant des Acadiens qui vont s’établir dans le territoire d’Attakapas. Beausoleil meurt le 20 octobre 1765, alors qu’une épidémie décime la région.
Vénéré par les Acadiens pour sa bravoure comme chef de la résistance. Joseph Broussard-Beausoleil est aussi une figure légendaire chez les Acadiens de la Louisiane. Une banlieue de la ville de Lafayette porte le nom de Broussard. Il est l’ancêtre de la chanteuse Beyoncé par sa mère. Beausoleil est l’un des principaux personnages du roman d’Antonine Maillet Pélagiela-Charrette.
Joseph Broussard dit Beausoleil a été désigné personnage historique national par le Canada en 2022.