Le Journal de Quebec - Weekend

EN TOURNÉE CE PRINTEMPS

- RAPHAËL GENDRON-MARTIN

Même si leurs nouveaux spectacles se feront « compétitio­n » dans les salles à la grandeur du Québec, Katherine Levac et Rosalie Vaillancou­rt ne ressentent aucune rivalité entre elles.

« C’est sûr que si Kath, son spectacle est mauvais, les gens vont se dire : ah, je ne vais pas payer pour une autre femme pas bonne ! lance Rosalie en riant. C’est pour ça que je suis contente que Kath soit bonne. Je n’ai pas à faire semblant que j’aime ce qu’elle fait ! »

Katherine, elle, trouve ça plutôt intéressan­t que les deux humoristes sortent leur spectacle en même temps.

« Je ne pense pas qu’il y a beaucoup de gens qui se demandent s’ils vont aller voir Katherine ou Rosalie. En fait, je pense qu’il y en a beaucoup qui vont voir les deux. »

Les deux humoristes, qui sont amies depuis 2016, passent tellement de temps ensemble que cela teinte forcément ce qu’elles disent sur scène.

« Il y a beaucoup de choses dans mon spectacle qui sont inspirées par nos conversati­ons, dit Rosalie. À un moment donné, il a même fallu que je change son nom parce que ça faisait cinq fois que je parlais de Kath ! À un moment donné, je l’imitais et j’essayais de faire un accent ontarien. Mais là, je n’ai gardé que deux seules fois avec son nom. Il y a deux autres fois où je parle de mon “amie”. Je dis que c’est mon amie qui allaitait en même temps que moi et qui trouvait ça tellement difficile parce qu’elle a des jumeaux. [rires] »

Même si elles parlent toutes les deux de leur nouvelle maternité dans leur spectacle, Katherine et Rosalie disent le faire avec des angles si différents que cela n’est pas répétitif pour le public.

« On n’aborde vraiment pas les sujets de la même manière, dit Katherine. Je parle d’accoucher avec une fille au lieu d’un gars à tes côtés. Ça ne ressemble pas à ce que dit Rosalie. »

MEILLEURES SUR SCÈNE

Depuis qu’elles sont mères, les deux humoristes ont remarqué qu’elles sont encore meilleures sur scène.

« J’ai vraiment l’impression que j’ai plus confiance en moi », dit Rosalie.

« Moi, je n’ai jamais été une meilleure humoriste que ce que je suis en ce moment, remarque Katherine. [...] Quand j’étais en rodage, ça avançait tellement plus vite. Je n’avais pas quatre soirs par semaine à consacrer à ça. Je partais un soir et j’y mettais toute mon énergie. J’en profitais 100 000 fois plus. »

« Je trouve aussi que je travaille vraiment mieux, renchérit Rosalie. On a moins de temps pour travailler dans une journée et on ne passe pas ce temps-là à aller sur Facebook. J’ai écrit tellement plus vite. Ce show-là, je l’ai écrit en cinq mois. Le premier, ça m’avait pris un an et demi. »

Les deux humoristes ont décidé de moins

« s’éparpiller » dans plusieurs projets simultaném­ent. Elles se consacrent désormais à leur tournée.

« L’affaire qu’on veut le plus faire, c’est la tournée, dit Katherine. Moi, je refuse tout pour en faire. »

« J’ai vraiment pris exemple sur Katherine pour ça, dit Rosalie. Toute ma vie profession­nelle, j’étais plus mêlée qu’elle. Je me trouvais des nouvelles passions chaque semaine. Je sais qu’un seul projet à la fois, c’est difficile pour moi. Mais je suis contente parce que même si je suis partie trois soirs par semaine, quand je suis à la maison, je suis vraiment là. »

Elles ont 34 et 31 ans, sont devenues mères à la fin 2021 et lancent chacune leur deuxième spectacle d’humour ce printemps. Même si leurs personnali­tés sont parfois aux antipodes, Katherine Levac et Rosalie Vaillancou­rt sont les meilleures amies du monde. Le Journal a rencontré les deux comiques qui vivent pleinement les défis de la conciliati­on travail-famille.

Katherine et Rosalie ne cessent de se taquiner. Le jour du shooting photo pour Le Journal, les humoristes regardaien­t les images et ne cessaient de commenter ce qu’elles voyaient.

« Je n’aime pas mon sourire sur celle-là », dit Katherine.

« Tu as donc ben des grosses veines là-dessus ! » lance Rosalie.

Les deux sont parmi les humoristes les plus aimés de leur génération. Tout leur sourit depuis leur sortie de l’École nationale de l’humour (2013 pour Katherine, et 2015 pour Rosalie).

Ce printemps, elles lancent leur deuxième spectacle solo, à quelques semaines d’intervalle. Il y a deux ans, elles accouchaie­nt toutes les deux à un peu plus d’un mois d’écart !

« C’était un pacte de grossesse qu’on s’est fait ! dit spontanéme­nt Rosalie en entrevue aux côtés de son amie. On était dans un char et on s’est dit : on tombe enceintes, on tombe enceintes ! Je pense que Kath était tombée enceinte trois mois plus tard. Quand j’ai su qu’elle était enceinte, j’étais comme : ah non, la pute, elle ne m’a pas attendue ! J’étais tellement fru ! [rires].»

« Mais là, tu es aussi tombée enceinte un mois après moi ! » rétorque Katherine.

CONCILIATI­ON TRAVAIL-FAMILLE

Aujourd’hui, leurs enfants ont un peu plus de deux ans et les deux humoristes vivent pleinement, et assez difficilem­ent, la conciliati­on travail-famille.

« Je me suis rendu compte récemment qu’on est les deux premières au Québec à faire ça [de la tournée avec de très jeunes enfants], dit Rosalie. On a commencé à écrire nos nouveaux spectacles et nos bébés avaient environ dix mois. »

Cette nouvelle réalité vient avec son lot de défis et d’organisati­on, reconnaiss­ent-elles. Rosalie a d’abord eu plusieurs discussion­s avec son copain, Olivier, pour savoir si elle pouvait repartir en tournée.

« On était supposés faire un autre bébé en septembre dernier. En même temps, j’avais commencé à écrire du matériel pour un spectacle que je pensais vendre à Netflix. Mais j’avais tellement de fun à le faire et j’étais rendue à 1 h 25. J’ai dit à mon chum que j’avais le goût de partir en tournée. Il m’a dit : vas-y, on peut avoir un autre enfant dans trois ans, ce n’est pas grave, ça ne me dérange pas de rester à la maison. » Partageant sa vie avec la réalisatri­ce Chloé Robichaud, Katherine Levac mentionne que la conciliati­on travail-famille, « c’est l’hostie de nerf de la guerre ! ».

« Je ne veux pas être négative à propos de ça. Mais je pense que nous n’avons pas des jobs, ni pour moi ni pour Chloé, qui sont faites pour ça. En ce moment, Chloé est en tournage. Moi, je suis en show ce soir. Mais en même temps, il y a tellement de familles qui vivent ça. Combien de gens travaillen­t la nuit à l’hôpital ? Ou d’autres personnes qui sont camionneur­s ou qui travaillen­t dans des commerces ? La vie avec des enfants, on dirait que la société n’est pas toujours organisée [pour ça]… »

« En fait, elle est organisée pour que la femme reste à la maison, ajoute Rosalie. Nous, on avait regardé pour une nounou et c’était plus cher que ce que mon chum gagnait par année ! »

Parce qu’elles ne voulaient pas être continuell­ement sur la route, Katherine et Rosalie ont dû imposer certaines limites de calendrier à leurs équipes.

« Moi, j’ai trois shows par semaine, dit Rosalie. Sauf si on est à Gaspé. Dans ce temps-là, j’en fais quatre. Mais c’est important pour moi d’avoir un maximum de trois shows et si on s’en va loin, il faut que la chambre [d’hôtel] soit assez bien pour que j’emmène ma famille. »

PAS PAREIL POUR LES PAPAS HUMORISTES

Katherine Levac mentionne que chaque jour, elle se fait challenger dans ses conviction­s.

« C’est difficile. Par exemple, si la salle est pleine à Drummondvi­lle, la madame de la salle me dit : donc, on ouvre la supplément­aire ? Les [autres humoristes] vont généraleme­nt tous dire oui. Mais moi, je fais non !»

Dans son nouveau spectacle, L’homme de ma vie, Katherine Levac fait référence à ses collègues humoristes masculins qui ont eu des enfants et pour qui la réalité est complèteme­nt différente.

« À un moment donné dans le spectacle, je dis que je trouve ça vraiment intense, des enfants, parce que contrairem­ent à mes collègues masculins, il faut tout le temps que je m’en occupe, de ces enfants-là. Et je ne l’avais pas vu venir. Je pensais que ça allait être bien plus relax que ça.»

« C’est vrai que quand tu rentres dans une loge et qu’un humoriste dit que sa blonde vient d’accoucher, oui, il a l’air fatigué, remarque Rosalie… Mais moi, je n’avais pas l’air fatiguée, j’étais couchée à deux heures de l’après-midi à ne pas savoir si on était le jour ou la nuit ! »

« Des fois, c’est difficile, mentionne Katherine. Si je suis au Bordel [comédie club] et que je vois sur place Louis-José [Houde] ou Adib [Alkhalidey]. Leur enfant a comme un mois et ils sont là. Moi, quand je venais d’accoucher de jumeaux, après un mois, je n’étais crissement pas au Bordel ! Ce n’est vraiment pas de leur faute, c’est juste que biologique­ment, c’est comme ça. »

 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada