Le Journal de Quebec - Weekend
CES FEMMES QUI ONT TRAVAILLÉ SUR LA BOMBE ATOMIQUE
Dans sa nouvelle saga historique, Un vent d’orage, la romancière Josée Ouimet lève le voile sur le travail de nombreuses femmes douées en mathématiques qui ont travaillé dans un laboratoire de l’Université de Montréal en 1943. Ces femmes qu’on appelait les calculatrices ont travaillé sur un projet exploitant une nouvelle forme d’énergie très puissante. Sans le savoir, de nombreux scientifiques réunis à Montréal ont collaboré à l’élaboration de la bombe atomique.
Nous sommes en 1943 et la Seconde Guerre mondiale fait des ravages en Europe. Au coeur des locaux tout juste construits de l’Université de Montréal, un laboratoire prend forme. De jeunes scientifiques particulièrement talentueux mettent tous leurs efforts dans un projet secret.
Une jeune femme très douée en mathématiques, Alice Fafard, atteint la majorité dans le climat morose qui règne à l’époque. Elle se demande ce qu’elle fera de sa vie. Une opportunité intéressante se présente : son frère, qui travaille dans un laboratoire, l’informe qu’on recrute des femmes aux habiletés de calcul exceptionnelles. On les appelle les calculatrices. Elle décide de tenter sa chance.
« Pendant la Deuxième Guerre mondiale, à Cambridge, en Angleterre, des scientifiques travaillaient déjà sur la fission nucléaire », rappelle Josée Ouimet en entrevue. « L’Angleterre avait transféré tous ces scientifiques à Montréal parce qu’on ne voulait pas qu’Hitler s’empare de l’université et des recherches scientifiques. Il y avait déjà, à ce moment, une course à l’armement. »
LES CALCULATRICES
Josée Ouimet a entamé ses recherches et réalisé qu’on parlait beaucoup de tous ces scientifiques de haut niveau. Une photo d’époque montrant des femmes qu’on appelait les calculatrices l’a toutefois intriguée.
« Je parle toujours de la condition de la femme, de ce que la femme a porté à bout de bras. Les calculatrices étaient des femmes qui faisaient des calculs avec une précision importante. Une erreur pouvait faire flancher les recherches ou les faire avancer. »
UNE JEUNE FILLE DE SAINT-HILAIRE
La romancière a donc inventé le personnage d’Alice Fafard, en concordance avec les informations dont elle disposait, pour faire vivre cette histoire.
« C’est une jeune fille de Saint-Hilaire qui va devenir calculatrice à l’Université de Montréal. »
Alice Fafard est parachutée dans un laboratoire scientifique en sortant du pensionnat. Les besoins étaient grands pour ces ressources féminines précieuses et rares.
« Il n’y en avait pas beaucoup dans le Canada français. Il y avait des femmes qui venaient des États-Unis, d’autres du Canada anglais. Ce que ces femmes faisaient était très important, même si c’était un métier un peu subalterne. »
Josée Ouimet note que le travail de ces femmes n’a pas été reconnu par l’Histoire. « Les calculatrices recevaient des données et utilisaient des machines à calculer énormes. On parle de physique, de chimie, presque de mathématiques quantiques. Ces femmes-là étaient des génies. »
PROJET MANHATTAN
Ces recherches menées dans les laboratoires montréalais étaient bien entendu liées au projet Manhattan, dont l’objectif était de produire une bombe atomique pendant la Deuxième Guerre mondiale.
« Pierre Demers, un monsieur de Beloeil, disait dans une entrevue accordée à Maxence Bilodeau et qui est sur YouTube qu’il avait travaillé sur ce projet en pensant que c’était pour développer une énergie propre, révolutionnaire, qui pouvait aider l’Europe à se remettre sur pied après la guerre et éliminer le charbon », précise l’autrice.
Il y a eu le bombardement d’Hiroshima. Puis celui de Nagasaki. À Montréal, la surprise a été totale. « Le monsieur disait : l’horreur… on ne pensait jamais qu’on avait pu travailler là-dessus. »
■ Josée Ouimet a publié une soixantaine de romans pour les jeunes et pour les adultes.
■ Elle a aussi publié des poèmes et des nouvelles dans plusieurs collectifs.
■ Elle a connu beaucoup de succès avec sa première saga historique, La Marche des nuages.
■ On lui doit aussi La faute des autres, Dans le secret des voûtes, L’inconnu du presbytère.
■ Elle habite à Saint-Hyacinthe.