Le Journal de Quebec - Weekend

QUAND LE SPORT N’EST PAS SANTÉ

5 questions à Jean-François Poisson, réalisateu­r, auteur et conseiller au contenu de L’envers de la médaille Jean-François Poisson est un documentar­iste prolifique qui, même quand il traite des sujets en apparence plus légers, s’attarde à des angles socia

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

Il s’est plongé dans les mouvements sectaires et les dérives de la religion avec les séries L’ordre du temple solaire et Priez pour nous. Ses documentai­res Marie-Soleil et Jean-Claude : au-delà des étoiles et Dédé et Patrick : au-delà des étoiles nous ont permis d’avoir accès à un volet plus personnel et déchirant d’artistes aimés.

Le voici qui explore les coulisses du sport dans ce qu’il a de plus sombre. Dans une quête menée par Jean-Luc Brassard, L’envers de la médaille témoigne des abus physiques, sexuels et psychologi­ques dont les sportifs de haut niveau font les frais. Un milieu qui valorise plus souvent la performanc­e que la santé.

À quel moment t’es-tu dit que le sujet méritait une série ?

En voyant les dénonciati­ons s’accumuler. En voyant aussi que les associatio­ns ne faisaient rien. J’ai pratiqué la nage à un niveau élite entre 15 et 22 ans et j’ai été moi-même victime d’abus. Si ton rêve est d’aller aux Olympiques, tu ne fais que ça. Tu t’entraînes avec des amis que tu n’as pas choisis, on te dit quoi manger, quand dormir, quand aller à l’école. Mais à force de se faire crier dessus tous les jours, ça te joue dans la tête. Tu ne t’en rends pas compte, mais c’est très insidieux. C’est catégorisé comme normal. Plusieurs de mes névroses viennent de ce que je me suis fait dire à cette époque.

Parle-moi de Jean-Luc Brassard qui porte cette quête. Il dit lui-même qu’il n’encourager­ait pas ses enfants à faire des équipes nationales dans le contexte actuel.

Jean-Luc décriait beaucoup le système. Il n’est pas complaisan­t. Il a beaucoup d’expérience. Une expérience sportive, mais aussi comme animateur. Il est d’un naturel loquace et gentil. Le sport est un milieu difficile à percer. Avoir un allié, ça aidait. Les athlètes ne sont pas nécessaire­ment habitués à se livrer sur des choses aussi personnell­es. On leur demande plutôt d’être forts. Sur le plateau, il était émotif et sensible. Mener des entrevues de ce genre, c’est dur à encaisser. Ça demande de la technique, il ne faut jamais brusquer personne. Il y est allé à fond. Les athlètes lui ont fait confiance rapidement.

Comment expliques-tu cette omerta dans le milieu sportif ?

Le mot secte est fort, mais souvent utilisé dans la série. Secte et gourou. On le voit dans l’affaire Bertrand Charest (entraîneur accusé d’avoir agressé plusieurs skieuses), avec Richard Gauthier (entraîneur de patinage artistique). Les athlètes ont beaucoup à perdre s’ils dénoncent. Les fédération­s vont leur dire qu’ils n’auront plus de commandita­ire, plus de carrière.

À quoi serons-nous conviés tout au long de la série ?

Le premier épisode place le thème et interpelle rapidement le public sur l’ampleur du problème. Ensuite, on aborde les abus sexuels, les abus psychologi­ques, on parle de la pression de la perfection du corps avec les filles de nage synchronis­ée, puis des Olympiques. On ne pouvait pas passer à côté du procès de Charest puisque nous avons réussi à avoir le témoignage d’une victime. C’est le #Metoo du sport.

On ne veut pas aller dans le sensationn­alisme, mais plutôt être accrocheur, captivant et honnête dans ce qu’on dévoile. On a aussi un épisode qui aborde la question de s’entraîner autrement. On termine avec ce que devient le système. On est en mode solution, on confronte les fédération­s.

Sens-tu que le milieu du sport change, qu’il y a de l’espoir pour qu’il soit moins toxique ?

On sent que ça bouge, que le gouverneme­nt met des choses en place. Il y a un manque de ressources et une culture ne se change pas si facilement. Je pense qu’on est plus conscients des dommages que ça crée. La limite est mince entre abus et performanc­e. Mais il y a des athlètes comme Maude Charron (haltérophi­le) qui critiquent le système et qui font les choses autrement. Elle ne vit pas en ville et s’entraîne dans son garage. Ça ne l’a pas empêché de remporter une médaille d’or. Les jeunes sont plus sensibilis­és. J’ai hâte de voir la nouvelle génération d’entraîneur­s. Il commence à y avoir des entraîneur­s qui travaillen­t avec les objectifs de l’athlète. Si son objectif est d’aller aux Olympiques, mais aussi d’obtenir son diplôme pour être dentiste, le plan est fait en conséquenc­e. Pour qu’un athlète soit heureux, il n’y a pas que le sport.

L’envers de la médaille

Mardi 20 h à Témoin (ancienneme­nt Moi&cie)

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