Le Journal de Quebec - Weekend
Il n’y a pas si longtemps on pendait les criminels
Le 10 mars 1960, Ernest Côté était pendu à la prison de Bordeaux de Montréal. Deux ans plus tard, ce fut au tour de Arthur Lucas et de Ronald Turpin de subir le même sort dans une prison de Toronto. Ils ont été les derniers prisonniers à être exécutés par la main de la justice canadienne.
Il n’y a pas si longtemps que des gouvernements enlevaient la vie aux citoyens qui commettaient des crimes graves. Par exemple, jusque dans les années 1970, l’État français guillotinait encore ses compatriotes qui étaient condamnés par la justice. Que dire aussi du peloton d’exécution en Chine ou encore de la peine capitale par injection létale, électrification ou chambre à gaz du gouvernement américain ?
Chez nous, on a longtemps pensé que la pendaison était la meilleure technique pour une mort rapide et surtout, sans trop de souffrance.
EN NOUVELLE-FRANCE
La première exécution par pendaison de la période coloniale française remonte à l’année de la fondation de Québec en 1608. Jean Duval a été pendu pour avoir pris la tête d’un complot pour assassiner Samuel de Champlain.
Entre 1608 et 1867, les autorités judiciaires avaient l’habitude d’imposer des châtiments en public, autant pour les petits crimes que pour les plus graves. Cette démonstration de violence aux yeux de tous servait à faire craindre la main de la justice.
En Nouvelle-France, on donnait généralement la mort par pendaison aux gens ordinaires. Pour les nobles, c’était souvent la décapitation, mais bien peu d’entre eux ont subi cette sanction extrême. En plus de ces peines brutales, on pouvait condamner l’accusé au bûcher ou au supplice de la roue. Imaginez. Dans ce type d’exécution, le bourreau brisait les membres du condamné qui était écartelé sur une grande roue de bois, exposé à la vue de tous jusqu’à ce qu’il meure au bout de ses forces.
La peine capitale était imposée en Nouvelle-France pour punir le meurtre, la fabrication de faux billets, plusieurs types de vol, le duel, les incendies volontaires, le viol, l’attentat à la réputation, la désertion, la trahison, la bestialité et l’homosexualité.
Entre 1663 et 1760, on pense qu’un peu plus de 80 personnes ont été exécutées de la main d’un bourreau. Le premier bourreau de notre histoire dont le nom est connu était Jacques Daigre.
AVANT LA CONFÉDÉRATION CANADIENNE DE 1867
Avant 1859, les lois britanniques fixaient le cadre de ce qui était criminel en Amérique du Nord britannique.
En 1865, seuls le meurtre, le viol et la trahison étaient considérés comme des crimes passibles de la peine capitale.
Au milieu du 19e siècle, des centaines de délits pouvaient conduire le condamné à la peine de mort. Des crimes évidents pour nous, en 2024, mais d’autres étonnants, comme le vol de navets, qui menait les fautifs à l’échafaud.
LES DERNIÈRES ANNÉES DE LA PEINE DE MORT AU CANADA
En 1967, le meurtre d’un policier ou d’un employé d’une prison, la piraterie ou la trahison étaient punissables de mort au Canada.
La pendaison de Arthur Lucas et de Ronald Turpin et l’agonie d’une durée de près de 15 minutes qui avait suivi avaient suscité une avalanche de dénonciations anti-cruauté en 1962. D’autant plus que les preuves de la culpabilité des deux hommes n’avaient pas été très convaincantes. D’ailleurs, le mouve
ment contre la peine de mort se faisait entendre au pays depuis une bonne cinquantaine d’années.
En 1914, le député fédéral Robert Bickerdike avait pourtant présenté un projet de loi pour faire abolir cette sentence, sans recevoir trop d’attention du gouvernement conservateur de Robert Borden.
Il a fallu attendre 1976 pour que la peine de mort soit abolie par un vote très serré à la Chambre des communes à Ottawa. Dans les faits, il n’y avait plus eu de pendaison au pays depuis 1962.
L’abolition ne concernait cependant pas les militaires des Forces armées canadiennes condamnés pour lâcheté, désertion, capitulation illégale ou espionnage. Les membres des Forces armées n’ont été soulagés de ce châtiment qu’en 1998. Ce jour-là, il y a 26 ans seulement, le Canada entrait dans le camp des abolitionnistes de la peine capitale, remplacée alors par l’emprisonnement à perpétuité.