L’assurance de payer
a fait longtemps que le ministre de la Santé et des Services sociaux, Réjean Hébert, réfléchit à l’instauration d’un régime d’assurance autonomie. Et ça fait plus longtemps encore que Pauline Marois sait ce qu’il en coûtera...
ÇAlors qu’il était au Centre de recherche sur le vieillissement à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke, M. Hébert avait expliqué dans la Revue canadienne du vieillissement pourquoi la situation du Québec était préoccupante. Il suggérait la création d’une assurance autonomie alimentée par une «caisse financée d’une part par une utilisation plus judicieuse des budgets actuels et des crédits d’impôt et, d’autre part, par un investissement significatif dans les soins à domicile».
Le Dr Hébert signalait également que la Loi canadienne sur la santé prévoit la couverture des «soins médicalement nécessaires». Cette définition serait trop étroite pour satisfaire tous les besoins d’une population vieillissante. «Les soins à domicile ne sont pas nécessairement couverts, ce qui a pour effet de reléguer les soins à domicile à la marge de la couverture de l’assurance maladie», écrivait le chercheur. Le gouvernement Charest a procédé à une réforme administrative de la santé en 2004, dont le résultat ne fut pas le plus heureux, notamment en ce qui a trait aux soins à domicile. En intégrant au sein des Centres de santé et de services sociaux les fonctions d’hôpital, l’hébergement et les soins à domicile, les restrictions budgétaires ont toujours été défavorables aux services extra muros. Selon le Dr Hébert, il est «urgent» de séparer le financement des soins de longue durée de celui de la santé.
COMMISSION CLAIR
Il arrivait à la même conclusion que Michel Clair, qui a présidé au tournant du nouveau siècle une commission chargée d’étudier le financement de la santé et des services sociaux. La commission avait remis son rapport à Pauline Marois, alors ministre de la Santé. Mme Marois sait donc très bien à quoi s’en tenir. Le rapport Clair lui recommandait la création d’une caisse santé destinée au financement d’un régime d’assurance couvrant les services et les soins à domicile des personnes âgées. «Le régime serait financé par une contribution obligatoire et fiscalisée sur les revenus individuels de toute provenance», précisait le rapport Clair. Au cours de la conférence de presse qui a suivi le dépôt de ce rapport en janvier 2000, il avait été établi que la contribution annuelle individuelle serait fixée initialement à 150 $. Ça rappelle la contribution santé de l’ex-ministre des Finances Raymond Bachand... «De toute façon, il va falloir payer», a dit Mme Marois jeudi. En août 2012, en pleine campagne électorale, elle soutenait pourtant que le terme «assurance» signifiait seulement que les gens auront «l’assurance» d’avoir des services, pas autre chose. Il n’était pas question d’une cotisation supplémentaire, d’une taxe ou d’une contribution à exiger des Québécois. On doit comprendre autre chose aujourd’hui. Qu’il faudra bien la payer, cette belle promesse.
PROGRAMMES UNIVERSELS
Le PQ a l’expérience des programmes universels, empreints des meilleurs sentiments et du plus bel optimisme comptable: l’assurance médicaments, les garderies publiques, l’assurance parentale, etc. Le problème, c’est que chaque fois, les coûts réels ont été beaucoup plus élevés que les prévisions. L’assurance médicaments, par exemple, instaurée en 1997, devait s’autofinancer et entraîner des économies de 300 millions pour le gouvernement. Dix ans plus tard, des retraités qui déboursaient au départ 100 $ par année devaient allonger cinq fois plus. Et, selon le plus récent rapport de la Régie de l’assurance maladie, l’assurance médicaments coûte 3,3 milliards $ au gouvernement. On ne peut donc qu’être sceptique devant les présomptions actuelles du gouvernement Marois. On devine d’ailleurs qu’il en sait plus long qu’il ne le dit sur le financement de cette nouvelle «assurance». Dans l’article qu’il a écrit en 2012, le Dr Hébert proposait, un peu comme Michel Clair, de financer l’assurance autonomie avec les budgets déjà consentis aux soins de longue durée et aux soins à domicile, soit environ 2,8 milliards $. Il suggérait aussi de mettre à profit les 600 millions $ accordés en crédits d’impôt. Au total, ce sont 3,4 milliards $ en fonds publics qui sont consacrés aux soins et aux services à domicile. Ce n’est pas suffisant. Il faudrait de 400 à 500 millions $ de plus, selon qu’on ajoute les services de réadaptation et de nutrition. On peut comprendre le désarroi des contribuables. Alors que leur gouvernement peine à équilibrer son budget, Pauline Marois propose des services publics plus généreux. Cette assurance autonomie doit d’ailleurs entraîner la création de 10 000 emplois. Imaginez le bonheur des centrales syndicales. Quelle aubaine, cette assurance!