L’illusion pétrolière
Le Québec ne sera pas l’Arabie saoudite parce que son généreux gouvernement vient d’allonger une centaine de millions pour soutenir l’industrie privée dans l’exploitation pétrolière à Anticosti. Les bienheureux doivent revenir sur terre!
Surtout que les partenaires français dans cette affaire ne sont pas tous de la meilleure cuvée...
Malgré tout, Pauline Marois déborde d’optimisme. C’est voulu et compréhensible à la veille des élections. Mais il y a loin jusqu’aux 45 milliards promis aujourd’hui.
On parle d’ailleurs de 45 milliards étalés sur trente ans. C’est devenu un art, vous savez, jouer ainsi avec les chiffres, les gonfler pour faire rêver les gens. Mais embellir la réalité ne la change pas.
Faites le calcul: l’exploitation du pétrole d’Anticosti rapportera 150 millions par année au trésor public. À titre de comparaison, l’aide sociale coûte 240 millions par mois. La hausse des coûts des régimes de retraite et les «avantages sociaux futurs» des employés de l’État coûtent 500 millions, juste cette année…
On comprend que les gens soient furieux quand on leur dit qu’il manque de fric pour installer des gicleurs dans les centres d’accueil. C’est qu’ils oublient une chose: l’État prend d’abord soin de ceux qui l’incarnent.
UN «DEAL»
Revenons au séminaire des Finances qui, après 18 mois de gestation, accouchera d’un nouveau budget le 20 février. Le Vérificateur général avait prévu donner son avis ce jour-là sur la dernière «mise à jour» de Nicolas Marceau. Ce n’est pas du plus beau fair play, mais c’est ce qu’on fait quand on ne veut pas s’encombrer des «principes comptables généralement reconnus».
Peut-être inspirés par la Saint-Valentin, les ménestrels de Nicolas Marceau ont demandé hier à Ottawa que l’argent fédéral destiné aux infrastructures soit envoyé à Québec «en bloc». Ce serait plus pratique. Une sorte de «deal» concordant avec l’esprit de la fédération canadienne, les valeurs québécoises et l’élasticité légendaire du périmètre comptable de La Belle Province.
Ça consoliderait le prochain budget Marceau qui sera évidemment déficitaire. Il ne faudra toutefois pas le prendre trop au sérieux. Un budget n’est jamais meilleur que ceux qui le conçoivent, surtout quand ils avouent ne pas avoir été bons...
Dans l’état actuel des finances publiques, les contribuables les plus taxés d’Amérique doivent, avant de voter ce printemps, se demander: 1) Combien coûtera l’assurance autonomie qu’on avait dite gratuite? 2) Qui paiera les déficits passés des régimes de retraite des villes et des universités? 3) Les automobilistes paieront-ils une taxe de «mobilité durable»? Et, par devoir de mémoire, j’ajoute qu'on avait dissimulé 400 millions en tarifs dans le budget Marois de 2002-2003.
L’automne dernier, les séminaristes avaient provoqué l’étonnement en signalant que l’équilibre budgétaire était nécessaire pour «éviter que des dépenses trop élevées exigent un fardeau fiscal trop lourd par rapport à nos voisins». On disait, sans rire, craindre pour la «compétitivité fiscale» et la croissance économique du Québec.
LES DÉPENSES
La récente étude des HEC sur la prospérité du Québec signalait justement que la fiscalité québécoise était nettement la plus lourde au pays parce que les dépenses étaient ici beaucoup élevées qu’ailleurs.
Les clercs de la rue Saint-Louis soulignaient pourtant, dans le même trait de plume, qu’advenant une récession, le gouvernement ne devrait pas être empêché de dépenser. La dépense, vous le voyez, n’est jamais perdue de vue…
L’étude des HEC précisait pourtant que le poids des dépenses publiques en pourcentage du PIB était 25 % plus élevé au Québec qu’en Ontario et supérieur à la moyenne canadienne de 22 %.
Mais, de toute évidence, ce n’est pas parce qu’on est moins riche que tout le monde qu’on doit se priver de dépenser plus que tout le monde. Le prochain budget Marceau évitera donc d'altérer le bien-être de l’administration publique. Quant à l'essentiel, ce sera comme d’habitude: faute de revenus suffisants, les dépenses excédentaires seront jetées à la dette.
Peut-on logiquement faire autrement quand on veut plaire à tout le monde en caressant l’idée d’un ultime référendum? Bien sûr que non!