Le Journal de Quebec

Mourir dans la dignité : des questionne­ments

- Louisette Doucet, Gilles-Pierre Côté, Lucie Cooper et Benoît Laprise, St-Félicien

Avec une population qui se fait vieillissa­nte, les questions touchant la fin de la vie sont cruciales et moralement déterminan­tes. La loi 52, dans ce qu’elle a de meilleur, veut étendre les soins palliatifs à tous les établissem­ents hospitalie­rs du Québec. Voilà une intention qui nous réjouit puisque plus de la moitié des Québécois n’ont pas encore accès aux soins palliatifs. C’est là, croyons-nous, où il faut investir nos ressources et nos énergies. Pourtant, ce qu’on nous propose plus loin dans le projet de loi se révèle une voie mortifère et nous la réprouvons.

À aucun endroit dans le texte de la loi, n’apparaît le mot euthanasie. Faut-il croire pour autant qu’il n’en soit pas question? Après lectures, études et discussion­s, nous constatons que cette pratique blâmable est au coeur même de la loi, bien maquillée sous les dehors de «soins de fin de vie».

Pour nous, il ne fait aucun doute qu’il faille distinguer les soins palliatifs de l’aide médicale à mourir, deux options fort différente­s. Les soins palliatifs visent à atténuer les douleurs du patient. L’aide médicale à mourir, telle que présentée dans le texte de cette loi, n’est autre que de l’euthanasie. Ainsi, les médecins, de qui on attend des soins pour soutenir la vie, administre­ront la dose létale à des personnes en fin de vie décidées d’en finir.

Ce suicide assisté fera désormais du médecin une personne aux prises avec des décisions morales très lourdes (…). Nul doute que le médecin, devenant ainsi complice d’un homicide (…), suscitera la méfiance auprès des patients hospitalis­és et auprès de la population. Rappelons que l’euthanasie consiste à provoquer la mort volontaire­ment et directemen­t d’une personne, avec ou sans son consenteme­nt, pour éliminer toute souffrance. Trop frileuse pour le dire, la loi 52 lui préfère une expression qui alertera moins les citoyens et aura tous les dehors d’une assistance compatissa­nte «d’aide médicale à mourir». Ne faut-il pas appeler un chat un chat?

Toutefois, nous ne voulons pas non plus d’un acharnemen­t thérapeuti­que où des traitement­s disproport­ionnés ne permettent pas d’espérer un soulagemen­t effectif de la personne malade. Nous voulons le respect intégral de la vie qui nous a été donnée et dont on ne peut disposer soi-même. Lutter pour la vie et non pas l’écourter.

Un autre aspect de cette loi suscite aussi chez nous de l’inquiétude, soit les dispositio­ns relatives à l’aide médicale à mourir (art. 26 et 28) et à son administra­tion. Nous craignons que la personne en fin de vie, se sachant un poids pour les siens et la société (…), surtout si les soins se prolongent, cherche par ce moyen une façon de mettre un terme non pas tant à ses souffrance­s qu’à celles des proches. De plus, n’oublions pas que bien des patients en fin de vie souffrent de dépression ou de délirium (états pathologiq­ues qui ne sont pas toujours diagnostiq­ués par les médecins) et, par conséquent, ont le jugement altéré.

Nous n’acceptons pas que l’injection létale ou autre moyen du même type soient considérés comme des «soins». Ce faisant, on dénature le sens du mot «soigner» et on pose un acte moralement répréhensi­ble.

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