Le Journal de Quebec

Charte des contribuab­les : mon vote est à vendre !

- — Pierre Simard, professeur à l’ENAP et fellow senior de l’Institut Fraser

Je l’avoue, je suis un peu désabusé de la politique. Mais je n’hésiterai jamais à voter pour un parti politique qui veut me protéger contre les excès de nos gouverneme­nts. J’applaudis donc l’idée d’une charte des contribuab­les proposée par la Coalition Avenir Québec.

Encore une promesse électorale? C’est ma crainte, mais j’ai pour principe qu’il ne faut jamais décourager un alcoolique qui est disposé à signer un contrat de sobriété. On doit seulement s’assurer qu’il ne puisse revenir sur sa signature.

Des économiste­s décrivent nos gouverneme­nts comme des institutio­ns qui maximisent leurs rentrées fiscales. J’en suis! Pour moi, les politicien­s sont d’abord motivés par leur réélection et aucune dépense ne les rebute pour s’acheter des votes.

Donnez de l’argent à un politicien et il ne manquera pas de le dépenser, quitte à endetter les génération­s futures.

Il n’y a donc pas de mal à prendre au mot un parti politique disposé à sevrer la bête gouverneme­ntale. Surtout lorsque le ministre des Finances d’un Québec surtaxé déclare (sans même sourire) ne pas avoir de problème de dépenses, mais un problème de revenus.

Mon vote est donc à vendre. En m’inspirant des propositio­ns de mon collègue Jean-Luc Migué dans son ouvrage On n’a pas les gouverneme­nts qu’on mérite, voici quelques éléments d’une charte que je serais disposé à acheter.

Réduisons et fixons la taille de l’État. Dans un Québec où le budget du gouverneme­nt accapare 47 % de l’économie, la charte devrait prévoir une réduction significat­ive de la taille de l’État et fixer le niveau maximal de dépenses du gouverneme­nt en fonction du PIB.

À ce sujet, une étude de Schuknecht et Tanzi (2005), pour le compte de la Banque centrale européenne, montre que plusieurs pays ont réussi à réduire leurs dépenses publiques (parfois de plus de 10 %) sans contrecoup. Ces réductions à la taille de l’État n’ont pas affecté le bien-être des population­s selon les grands indices macroécono­miques et de bien-être convention­nels. Au contraire, ces ambitieux programmes de réformes ont eu des effets positifs sur la croissance économique et l’innovation.

Imposons une discipline budgétaire. La charte devrait prévoir une réduction de l’impôt des contribuab­les et des entreprise­s, et imposer une discipline fiscale à nos élus. À l’instar de plusieurs États américains, la charte devrait obliger l’équilibre budgétaire et fixer des limites aux augmentati­ons d’impôts, de taxes et de tarifs que peut décréter le gouverneme­nt.

Restituons les surplus aux contribuab­les. La charte devrait également préciser qu’en cas de surplus budgétaire, ce qui est peu probable avouons-le, nos gouverneme­nts devraient obligatoir­ement retourner ces surplus aux contribuab­les sous la forme d’une diminution des impôts ou en remboursem­ent de la dette.

Imposons des règles de dérogation stricte. Enfin, pour s’assurer que cette charte ne soit pas modifiée au gré des humeurs politicien­nes, elle devrait avoir un caractère constituti­onnel. Elle ne devrait pouvoir être contournée qu’avec l’assentimen­t d’une supra majorité (voire l’unanimité) des élus de l’Assemblée nationale. Il serait trop facile de permettre à un gouverneme­nt de s’y soustraire par un vote à la majorité simple.

Certains inconditio­nnels de l’État bienveilla­nt rétorquero­nt qu’une telle charte peut conduire à une impasse budgétaire, une falaise fiscale comme celle vécue par le gouverneme­nt américain à l’automne 2013. Ce sera alors une bonne nouvelle: la preuve que la charte fonctionne.

Quel contribuab­le se plaindra d’obliger les politicien­s à se serrer la ceinture plutôt que d’avoir constammen­t à payer le coût de leurs excès?

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