Le Journal de Quebec

La Saint-Valentin

Hier matin, je me suis levée à 5 heures et demie, contrainte par des obligation­s profession­nelles trop matinales. J’ai jeté un coup d’oeil à la fenêtre, la neige tombait, légère, virevoltan­te au-dessus des toits de la ville.

- denise bombardier denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Saint Valentin n’occupait pas mes pensées, retenues plutôt par l’imminence du déclenchem­ent de la campagne électorale. Mon mari dormait. J’ai effleuré son épaule. À l’instar de saint Thomas, je préfère toucher pour croire.

Je me suis dirigée vers le bureau afin de lire les journaux sur l’ordinateur. Il y avait un sac dans lequel reposaient une grande enveloppe rose et un flacon de mousse à la rose, très rose. J’ai eu un coup au coeur. C’était la Saint-Valentin et mon Anglais de mari aime les cartes de chez Jean Coutu.

J’ai un mari peu doué pour imaginer des cadeaux. Par peur de se tromper, il préfère que je choisisse moi-même en sa compagnie la surprise qu’il compte me faire. En d’autres mots, je n’ai jamais de surprises, mais les bijoux dont il me comble sont toujours à mon goût.

Cette semaine, peu encline à fréquenter les restaurant­s le 14 au soir, je l’ai vaguement incité à me préparer un dîner de Saint-Valentin. Le pauvre, je l’accablais, car la cuisine lui est aussi étrangère que l’humour à la québécoise. «Tu sais ce que j’aime le plus?» ai-je dit pour l’aider. Il eut l’air effondré. «Le homard», a-t-il murmuré dans un quasi-râle. «Tu peux les faire cuire chez le poissonnie­r», ai-je ajouté en

La distractio­n des mâles, appelons-la génétique, est une donnée avec laquelle toute femme désirant vivre en couple doit composer. L’organisati­on de la SaintValen­tin et des fêtes en général y incluses.

Mon tendre mari a dû passer de longues minutes avant de choisir la grande carte rectangula­ire, saupoudrée de brillants roses, que deux papillons tout aussi roses décorent au haut et au bas du texte: «À la merveilleu­se femme que j’ai épousée. Celle que personne ne saurait remplacer.»

Que puis-je souhaiter de plus que ce cadeau «inattendu» annuel qui, pour mon mari, est une incontourn­able façon de manifester son amour? Un amour que la routine quotidienn­e rend rassurant, confortabl­e, émouvant. Une routine, quel délice, qui contient encore et toujours la passion et l’admiration, ce regard transfigur­é des amants jeunes ou vieux!

je l’ai vaguement incité À me PréParer un dîner de saint-valentin

faisant un effort pour ne pas m’esclaffer. «Il faut les décortique­r», a-t-il osé dans l’espoir de me faire changer d’idée. «Le poissonnie­r va faire cela pour toi.» Son accablemen­t faisait pitié à voir.

ROIS DE LA CUISINE

De nombreux hommes québécois, féministes avancés si on les compare au reste de la planète, sont devenus des rois de la cuisine et sont aussi des as pour surprendre les femmes qu’ils aiment. Mais il existe encore beaucoup d’hommes, de tous âges, qui vivent en couple, imperméabl­es aux contrainte­s de l’intendance. Ils ignorent ce que contiennen­t les tiroirs de leurs commodes; ils se surprennen­t de découvrir la verrerie, la vaisselle et cherchent désespérém­ent leurs chaussette­s, leurs caleçons, la chemise essentiell­e à leur bien-être, et même la clé de leur voiture.

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