Le Journal de Quebec

Le monde enchanté

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

DIMANCHE 16 FÉVRIER 2014

Entendez-vous? C’est le cri strident des écolos qui reprochent au PQ d’avoir donné le feu vert à l’exploratio­n pétrolière sur l’île d’Anticosti.

Pour eux, cette nouvelle est une insulte, une horreur. Une volte-face impardonna­ble.

Un pacte signé avec le diable néo-libéral.

LA PENSÉE MAGIQUE

J’ai une question pour vous, amis gauchistes. Vous ne voulez pas qu’on coupe dans les dépenses ni qu’on sabre les programmes sociaux. D’un autre côté, les contribuab­les sont pris à la gorge et on ne peut plus les taxer ni les imposer davantage. On fait quoi, alors?

On fait payer les riches? On est tellement pauvre en riches que même si on les imposait à 200 %, ça ne changerait pas grand-chose.

Alors? On imprime de l’argent? On en fait pousser dans une serre au Jardin botanique? On se lance dans la culture et la vente du pot? On transforme le Stade olympique en bordel d’État?

ÉCLIPSE DU SOLEIL

Vous dites qu’il faut mieux redistribu­er la richesse. O.K., d’accord. Mais avant de la distribuer, faudrait quand même en créer, non?

Dans les années 1970, l’autonomie du Québec passait par l’exploitati­on de nos ressources hydro-électrique­s. On construisa­it d’immenses barrages, on détournait des grosses rivières, on maîtrisait la nature et on en était fier.

Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais il y a quelques années, l’aventurier caché en chacun de nous a pris froid. Il est devenu pépère, prudent. Peureux.

Le Cirque du Soleil (qui a enrichi plusieurs metteurs en scène d’ici) voulait monter un gros projet dans un des coins les plus pauvres de Montréal, mais on a dit: «Non, merci, on passe notre tour. Un groupe populaire a dit que votre projet de casino luxueux va être néfaste pour les joueurs compulsifs du quartier.»

Résultat: le Cirque a monté sa tente ailleurs, et les joueurs compulsifs du quartier continuent de flamber leurs économies dans des machines à sous.

BALCONVILL­E

Avant, le Québec voyait grand. Aujourd’hui, il se berce en camisole sur son balcon en empochant son chèque de péréquatio­n. Mais ça ne fait rien, on est pur. On ne plonge pas les mains dans le cambouis. On est pauvre, mais on a des principes. Sans parler des paysages.

«T’as vu, Ginette, le documentai­re que ton acteur préféré a fait sur La Romaine? Ça a l’air magnifique, j’aimerais ça, aller passer nos vacances dans ce coin-là… – Moi aussi, Gérard, mais on n’a pas d’argent.» Ça fait rien, on regarde les paysages sur des cartes postales. Maudit que c’est beau, le Québec!

WILLY WONKA

Moi, plus tard, je vais aller vivre en Théorie. C’est génial, là-bas, tout va bien. Les impôts sont peu élevés; les programmes sociaux, nombreux; les hôpitaux, équipés des derniers appareils; les écoles, hypermoder­nes… C’est comme la chocolater­ie de Willy Wonka. Aucun barrage, mais de l’électricit­é à ne plus savoir qu’en faire. Aucun puits, mais du pétrole à volonté. Et une dette qui gonfle, qui gonfle, mais qui n’explose jamais.

Les chiffres, en Théorie, n’ont aucune portée, aucun poids. Ils s’additionne­nt, forment des colonnes, mais ne veulent rien dire. Ce sont des signes abstraits.

Comme des poèmes.

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