Le Journal de Quebec

Les Suisses et « l’immigratio­n massive »

- mathieu Bock-côté mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Le dimanche 9 février, les Suisses votaient à 50,3 % par référendum pour en finir avec « l’immigratio­n massive ».

À travers l’Europe, les réactions ne se sont pas fait attendre: on a fait jouer les sirènes d’alarme à la xénophobie. Mais plutôt que dénoncer, on devrait plutôt comprendre la significat­ion de ce vote et ses raisons.

Ce vote a surpris tout le monde: du patronat aux syndicats, des Églises aux médias, les opposants étaient médiatemen­t dominants. Pour le dire simplement, les élites croyaient faire barrage. Mais en Suisse, elles ne contrôlent pas complèteme­nt le jeu politique. Le référendum d’initiative populaire permet au peuple d’imposer ses préoccupat­ions aux gouvernant­s, de se rappeler à eux.

Il ne faut pas mal comprendre: l’immigratio­n massive n’est pas l’immigratio­n. Les Suisses n’ont pas fermé leurs frontières. Ils exigent toutefois de pouvoir sélectionn­eur leurs immigrants. Un peu comme le Canada en est capable. D’autant que depuis dix ans, la Suisse a accueilli 700 000 immigrants.

D’où vient alors l’indignatio­n hystérique? Du fait que les Suisses ont probableme­nt transgress­é un dogme: celui de la nécessaire et progressiv­e abolition des frontières, sur laquelle il serait interdit de revenir. Au nom de la mondialisa­tion, de «l’ouverture à l’autre», on vide les pays de leur souveraine­té et on diabolise la défense de leur identité.

RESPECT DES TRADITIONS

Et c’est pourtant de cela qu’il s’agit: un pays n’est pas qu’un marché. Ce n’est pas non plus qu’une associatio­n d’individus enfermés dans leurs droits. C’est une culture. Un mode de vie. Il est légitime de défendre la première et de conserver le second. Cela ne veut pas dire s’enfermer dans le passé. Cela veut dire témoigner d’un certain respect pour ses traditions.

Il y a là une leçon pour les autres pays européens. Qu’on soit d’accord ou non avec le vote suisse, on constate que les nations européenne­s expriment un «désir d’identité». Souvent, trop souvent, les partis de gouverneme­nt le considèren­t avec mépris. Ce sont des partis populistes qui le récupèrent et qui le transforme­nt en créneau à succès. C’est ce qui est arrivé en Suisse.

Le vote suisse devrait servir d’alarme aux partis de gouverneme­nt partout en Occident, qu’ils soient de gauche, de centre ou de droite. Mais une alarme ne vaut que si elle est entendue. La vie politique se renouvelle à travers la question identitair­e. Pour le meilleur et pour le pire. La censure qui a longtemps pesé sur la question de l’immigratio­n a provoqué une situation intenable

Pour certains, dès qu’on veut réduire les seuils d’immigratio­n, on passe pour raciste. Par réaction, certains lui font porter tous les maux. Il faudrait revenir à une vision de bon sens. Aucun pays ne va s’enfermer dans ses frontières. Mais il doit accueillir des immigrants en tenant compte de ses capacités d’intégratio­n. Et un immigrant a pour devoir d’adopter l’identité du pays d’accueil.

Dans ces termes, la question de l’immigratio­n se posera sereinemen­t.

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