La voix de Montréal
Si la région métropolitaine de Montréal décidait de claquer la porte et de devenir la onzième province du Canada, elle serait plus populeuse que les provinces de l’Atlantique réunies.
Cette «province de Montréal» serait aussi plus peuplée et plus riche par habitant que le reste du Québec dont elle se serait séparée.
Et, vu la composition de sa population et les bases de son économie, on peut imaginer que cette onzième province pourrait facilement connaître un essor économique et un rayonnement international sans commune mesure avec ce qu’elle connaît actuellement.
Je ne suis pas en train de dire qu’une telle séparation serait possible, et encore moins qu’elle serait souhaitable.
UNE VÉRITABLE FORCE, MAIS...
Cependant, regarder la région de Montréal sous cet angle donne une meilleure idée de sa véritable force économique et de son vrai poids démographique: un territoire à peine quatre fois plus étendu que les cinq «boroughs» de New York produit à lui seul 55 pour cent du produit intérieur brut du Québec.
Dans n’importe quel autre contexte politique, les souhaits, les humeurs, les besoins d’un tel colosse, sans mentionner sa bonne santé, seraient forcément prioritaires pour ses partenaires.
Mais ce n’est pas le cas avec Montréal. Personne ne le dit en autant de mots, mais on voit à toutes sortes d’indices que les besoins de Montréal sont rarement prioritaires aux yeux des paliers supérieurs de gouvernement.
Comment se fait-il qu’il faille voler vers Toronto pour prendre un avion qui repassera au-dessus de Montréal pour finalement se rendre à Tel-Aviv?
Pour à peu près la même raison qui mène le gouvernement québécois à produire une politique de mobilité durable qui couvre toute la province - alors que 85 pour cent des déplacements par transport en commun au Québec s’effectuent dans la région métropolitaine: c’est que Montréal, colosse économique et géant démographique, est un nain politique.
UN NAIN POLITIQUE
Les quelque 3 millions d’habitants de la zone métropolitaine sont regroupés dans 82 municipalités aux tailles et aux fortunes différentes. Ces citoyens tombent sous la gouverne de 5 régions administratives du Québec. Dans ce paradis bureaucratique, Montréal n’a pas des pouvoirs différents de St-Eustache.
L’Agence métropolitaine des transports est gérée par les fonctionnaires de Québec... puisque les villes sont les créatures de Québec.
En plus d’être un nain politique, Montréal est aussi un orphelin. Montréal n’a jamais su voter pour exercer son poids politique. Montréal peut bien attendre après un nouveau pont ou se faire imposer une charte des valeurs à laquelle l’ensemble de ses élus s’oppose: les gouvernements, à Québec comme à Ottawa, ne sont pas élus ou battus par Montréal...
En ce sens, la stratégie de Denis Coderre d’inciter la Communauté métropolitaine de Montréal à se concentrer sur ce qui l’unit est la bonne.
Elle est même un rien subversive...