Suspense dans le Nord-du-Québec
Rappeur et comédien, Biz, membre du groupe culte Loco Locass, démontre à quel point il est aussi un écrivain talentueux dans Mort-Terrain, son nouveau roman. Roman passionnant, humain, dur, authentique et sans compromis, ce thriller d’horreur raconte le Nord, l’hiver, l’isolement et la rudesse de la vie avec une plume remarquable et une grande intensité.
Biz a campé cette histoire très forte, polie comme un galet de rivière, dans un petit village du Nord-du-Québec où la communauté blanche côtoie le peuple autochtone. Julien, un jeune médecin, s’y installe. Jour après jour, il découvre les agissements d’une compagnie minière avide qui s’intéresse au sous-sol de la région sans empathie pour ses habitants.
Le jeune doc apprivoise la culture autochtone et observe jour après jour comment les agissements de la compagnie évoquent le Wendigo, un monstre mangeur de chair né dans la mythologie autochtone. Julien raconte comment vivent les Blancs, loin des grands centres: qui fait quoi, qui aime qui, quelles petites magouilles s’organisent à gauche et à droite. Il dévoile des secrets, détricote les drames et choisit son camp.
«le P’tit jeune»
Biz a consacré deux années à l’écriture de ce roman où les images se mêlent à la poésie, au fil d’une histoire démentielle de laquelle on ne décroche pas. «C’est très valorisant d’être dans le domaine de l’écriture parce qu’à 40 ans, un rappeur prend sa retraite, tandis qu’à 40 ans, un écrivain commence. Dans le monde de la littérature, tout le monde m’appelle “le p’tit jeune”!» commente-t-il joyeusement.
Son histoire d’amour avec l’Abitibi est assez récente. «Avec Loco Locass, on a eu la chance de se promener partout au Québec, dont en Abitibi, à plusieurs reprises. Et, chaque fois, ça a bien connecté là-bas. C’est une région enclavée, donc on n’y va pas par hasard. C’est un secret très bien gardé au Québec, et j’ai été immédiatement enchanté par l’Abitibi. Les Premières Nations font partie du paysage complètement.»
Wendigo
La créature mythologique appelée Wendigo a également attiré son attention. «C’est une figure hyper pertinente pour comprendre le Québec actuel, qui est un Québec déchiré, soit par la gauche, la droite, le souverainisme et le nationalisme, le carré rouge, le carré vert, charte, anti-charte; ce Québec qui s’autodévore.» Julien, son personnage principal, est aux antipodes de l’auteur. «Même si c’est écrit au “je”, ce personnage ne peut pas être plus loin de moi. J’ai dû me documenter beaucoup sur la pratique de la médecine en région. Ce personnage a très peu à voir avec moi, si ce n’est du fait qu’il quitte Montréal parce qu’il est un peu écoeuré de cette grande ville “bilinguisée” où tout est in sauf le Québec francophone. Il part à la recherche de son beau Québec francophone authentique et, rendu au bout du monde, il se rend compte que c’est pas ça non plus. Sa vraie identité, il la trouve, profondément enracinée avec les Premières Nations. La dernière phrase est en algonquin. Ça veut tout dire.
«Ça, c’est une thèse que je partage: l’identité québécoise est profondément enracinée dans celle des Premières Nations et elle a été gommée par l’Église et par le gouvernement fédéral. Il faut, nous, collectivement, revenir à ça pour se comprendre. En ce moment, il y a un culde-sac identitaire au Québec, et je pense qu’il faut revenir à l’idée originelle du métissage, qui est dans l’ADN du Québec.» - En librairie le 19 février. - Biz est membre du groupe rap Loco Locass. - Ses deux premiers livres, Dérives (2010) et La chute de Sparte (2011) ont été publiés chez Leméac. - La chute de Sparte a été scénarisée pour le cinéma, et Biz voit les images de Mort-Terrain dans sa tête depuis le début.