Polémistes avant la charte
Récemment, le chroniqueur Richard Martineau déplorait, sur un mode ironique, qu’avant la rage des débats sur la charte de la laïcité, c’était le calme plat. On ne polémiquait pas, on ne s’engueulait pas et les questions d’identité n’intéressaient personne. Alors que maintenant…
Voici justement un ouvrage, Un Québec polémique, qui nous rappelle qu’«avant», ce n’était pas calme du tout et que le Québec a connu son lot de chicanes presque hebdomadaires.
Le grand mérite de ce livre, c’est d’aligner et d’analyser les grands débats qui ont alimenté les discussions tumultueuses entre 1990 et le début des années 2000. Bien sûr, ces polémiques musclées n’ont pas toutes connu la même couverture médiatique que le débat sur la charte de la laïcité, mais elles valent le détour, pourvu qu’on s’intéresse toujours aux «vieilles» querelles autour de l’identité québécoise, de l’antisémitisme, de la culture et de l’éducation.
Entendons- nous: Un Québec polémique est d’abord un ouvrage universitaire. L’approche peut en rebiffer plus d’un car les auteurs, Dominique Garand, Laurence Daigneault Desrosiers et Philippe Archambault utilisent un appareil scientifique sophistiqué pour tenter de décoder ce qui se cache derrière les intentions et prétentions de ceux qui s’attaquent et s’invectivent, par médias interposés. Mais pourquoi bouder son plaisir?
DUELLISTES
La mémoire étant une faculté qui oublie, le commun des mortels se rappellera avec un ravissement certain, croyez-moi, les échanges acerbes entre Pierre Foglia, le chroniqueur de La Presse, et le professeur universitaire Jean Larose, le premier se revendiquant de la culture populaire et le second, de la culture savante, Larose accusant Foglia d’être une sorte de populiste dont la «franchise, l’effronterie, l’authenticité sont à faire pâlir de jalousie tous les anti-intellectuels de ce pays», et Foglia accusant Larose d’être «un gourou qu’une intellocratie de province ne se lasse pas de regarder tortiller du cul, jusqu’au dépôt de son petit caca songé bi-annuel».
Puis viennent les pages consacrées à Pierre Falardeau. Du gâteau! On s’ennuyait de ce fort en gueule, décédé beaucoup trop tôt? On trouvera dans cet ouvrage un condensé de ses meilleures diatribes. Falardeau l’indigné, Falardeau le solidaire, ratisse large, à La Presse, où les ennemis abondent, comme Lysianne Gagnon, «la championne des pétasses, une tarte, une Mongole, une gnochonne, bref une excellente journaliste de La Presse », à «Radio-Cadenas», chez les élus et mandarins de l’État, chez les journalistes «qui se gargarisent avec le quatrième pouvoir alors que dans la majorité des cas ce ne sont que des courroies de transmission du pouvoir», chez Robert Lévesque, Marc Angenot et sa femme Nadia Khouri, tous anti- indépendantistes virulents.
D’autres duellistes sont également appelés à la barre, comme Andrée Ferretti et René-Daniel Dubois, Monique LaRue et Ghila B. Sroka. L’Affaire Esther Delisle est également bien résumée, tout comme l’Affaire Mordecai Richler. Bref, des heures de plaisir, surtout si on est à court d’arguments en ce moment.