2015 : le retour des casseroles ?
Ce ne sont pas toutes les causes qui méritent de sortir l’artillerie lourde
Si l’on en croit les grandes centrales syndicales, qui sont en furie contre «la politique d’austérité» menée par le gouvernement Couillard ( je mets l’expression entre guillemets, l’État québécois étant toujours aussi obèse qu’avant et aucun fonctionnaire n’ayant encore perdu son emploi), 2015 sera une année chaude.
Il va y avoir des rassemblements, des manifs et — qui sait? — des concerts de casseroles.
PAS COMME EN 2012
La question est de savoir si cette fois-ci, Monsieur et Madame Tout-le-monde vont sortir leurs poêlons et se joindre aux manifestants comme ils l’ont fait en 2012. J’en doute. Primo, Philippe Couillard est beaucoup plus respecté que ne l’était Jean Charest à l’époque. L’ex-ministre de la Santé vient tout juste de prendre le pouvoir, alors que le gouvernement Charest — qui régnait depuis neuf ans — était usé à la corde et affaibli par des allégations de corruption endémique.
Secundo, la réforme du régime de retraite des fonctionnaires est beaucoup moins controversée que la hausse des frais de scolarité.
La plupart des contribuables se disent: «Pourquoi je paierais des régimes de retraite chromés aux fonctionnaires, alors que je n’en ai même pas moi-même?»
C’est une chose de demander à des étudiants de payer davantage pour accéder aux études supérieures. C’en est une autre de demander à des fonctionnaires, qui sont relativement bien traités (qui a une sécurité d’emploi, en 2014? qui a un régime de retraite à prestation déterminée?), de contribuer davantage à leurs régimes de retraite.
Ça n’a pas du tout le même impact.
CHOISISSEZ VOS COMBATS
Cela dit, tout cela dépend de la façon dont le gouvernement va jouer ses cartes au cours des prochains mois, pour ne pas dire des prochaines semaines.
Comme je disais à mes enfants quand ils faisaient des danses du bacon pour des peccadilles: «Choisissez vos combats. Ce ne sont pas toutes les causes qui méritent de sortir l’artillerie lourde.»
Prenez la hausse du nombre d’élèves dans les classes.
Était-ce vraiment nécessaire? Cette mesure va-t-elle vraiment nous permettre d’économiser des millions?
Et même si la réponse est oui, politiquement, le jeu en vaut-il la chandelle?
C’est mathématique: plus d’élèves dans les classes = moins de temps pour chaque élève.
Pas besoin d’avoir un postdoctorat en mathématiques pour le comprendre.
Or, quel parent, aujourd’hui, est heureux d’apprendre que le prof va avoir moins de temps à consacrer à son enfant? Aucun. Tous les parents sont en calvaire.
Et ce n’est pas abstrait comme les régimes de retraite, ça: c’est concret.
Le gouvernement a coupé dans le temps qui sera consacré à MON petit roi.
TERRAIN MINÉ
Une poignée d’autres décisions comme celles-là et Monsieur et Madame Tout-le-monde vont sortir leurs ustensiles de la cuisine pour aller jouer de la casserole aux côtés des candidats à la course à la chefferie du PQ.
«On n’a pas le choix, on doit faire le boulot que les autres gouvernements ont refusé de faire», répète Philippe Couillard. La population comprend, j’en suis sûr.
Mais, en même temps, le gouvernement se doit d’être prudent.
Car il risque de pousser des alliés potentiels dans les bras de ses ennemis naturels.