Le Québec encabané
LES QUÉBÉCOIS CONSIDÈRENT LA PLANÈTE AVEC LE REGARD DE TOURISTES PLUS OU MOINS CURIEUX
Avant-hier, on apprenait que la Russie de Vladimir Poutine considère désormais l’OTAN comme la première menace à sa sécurité nationale. On se serait cru aux heures passées de la guerre froide. Sauf qu’elle s’est officiellement terminée en 1989, avec la chute du mur de Berlin. Mais la renaissance d’un conflit diplomatique de plus en plus musclé entre l’Occident et la Russie semble inévitable pour les années à venir.
En soi, ce n’est pas si surprenant. Les coeurs tendres et autres enchanteurs qui promettent une humanité pacifiée et unie devraient bien se douter, au fil des siècles, que cela n’arrivera jamais. Qu’on le veuille ou non, les civilisations, comme les nations, s’affrontent, elles recherchent la richesse, la puissance et la gloire. Chaque nation qui entend jouer un rôle dans le monde doit cultiver certaines vertus militaires minimales.
Mais cela ne risque pas d’intéresser les Québécois.
On le sait, l’actualité internationale n’a pas la cote ici. Nous nous sentons dans une bulle, protégés contre les mouvements du monde et bien décidés à ne pas nous en mêler. Évidemment, nous aimons voyager, prendre l’avion, nous faire dorer la couenne au Mexique, prendre des selfies devant la tour Eiffel ou devant un temple bouddhiste en Asie.
On se croit alors ouvert sur le monde.
RÉFLEXE DE COLONISÉS
Les Québécois considèrent la planète avec le regard de touristes plus ou moins curieux, décidés à visiter les pays comme autant de parcs d’attractions. Au mieux, nous applaudissons nos artistes lorsqu’ils brillent à l’étranger, comme si les applaudissements hors frontières nous confirmaient leur existence. Il suffit qu’un des nôtres devienne «international» pour avoir droit à des compliments dithyrambiques. Comment ne pas y voir un vieux réflexe de colonisés?
Mais qu’on ne leur demande pas quel est le rôle du Québec dans le monde. D’ailleurs, ils ont refusé de devenir un pays, ce qui leur aurait permis d’y participer à part entière, ce qui les aurait obligés à se doter d’une politique étrangère. D’ailleurs, le gouvernement libéral de Philippe Couillard cherche manifestement à renforcer ce vilain défaut. Pour lui, les affaires internationales relèvent à peu près exclusivement d’Ottawa.
Il y a quelques mois, le gouvernement avait pensé rétrograder le ministère des Relations internationales en secrétariat aux affaires internationales. Le message était clair: les affaires internationales comptent pour peu. Et il y a quelques jours, on apprenait que le gouvernement couperait le financement de l’Association internationale des études québécoises, qui joue un si grand rôle dans la promotion des recherches portant sur le Québec.
POLITIQUE ÉTRANGÈRE CANADIENNE
Évidemment s’intéresserait-il au monde que le Québec ne deviendrait pas d’un coup une grande puissance. Mais il s’intéresserait peut-être d’abord à ce que fait le Canada en son nom. Il se demanderait s’il endosse les rodomontades musclées de Stephen Harper qui s’imagine le Canada comme une puissance militaire ascendante. Il verrait le rôle qu’il peut jouer dans la promotion de la diversité culturelle. Mais cela ne risque pas d’arriver. Nous sommes trop bien encabanés.