Le Journal de Quebec

Le Québec encabané

LES QUÉBÉCOIS CONSIDÈREN­T LA PLANÈTE AVEC LE REGARD DE TOURISTES PLUS OU MOINS CURIEUX

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Avant-hier, on apprenait que la Russie de Vladimir Poutine considère désormais l’OTAN comme la première menace à sa sécurité nationale. On se serait cru aux heures passées de la guerre froide. Sauf qu’elle s’est officielle­ment terminée en 1989, avec la chute du mur de Berlin. Mais la renaissanc­e d’un conflit diplomatiq­ue de plus en plus musclé entre l’Occident et la Russie semble inévitable pour les années à venir.

En soi, ce n’est pas si surprenant. Les coeurs tendres et autres enchanteur­s qui promettent une humanité pacifiée et unie devraient bien se douter, au fil des siècles, que cela n’arrivera jamais. Qu’on le veuille ou non, les civilisati­ons, comme les nations, s’affrontent, elles recherchen­t la richesse, la puissance et la gloire. Chaque nation qui entend jouer un rôle dans le monde doit cultiver certaines vertus militaires minimales.

Mais cela ne risque pas d’intéresser les Québécois.

On le sait, l’actualité internatio­nale n’a pas la cote ici. Nous nous sentons dans une bulle, protégés contre les mouvements du monde et bien décidés à ne pas nous en mêler. Évidemment, nous aimons voyager, prendre l’avion, nous faire dorer la couenne au Mexique, prendre des selfies devant la tour Eiffel ou devant un temple bouddhiste en Asie.

On se croit alors ouvert sur le monde.

RÉFLEXE DE COLONISÉS

Les Québécois considèren­t la planète avec le regard de touristes plus ou moins curieux, décidés à visiter les pays comme autant de parcs d’attraction­s. Au mieux, nous applaudiss­ons nos artistes lorsqu’ils brillent à l’étranger, comme si les applaudiss­ements hors frontières nous confirmaie­nt leur existence. Il suffit qu’un des nôtres devienne «internatio­nal» pour avoir droit à des compliment­s dithyrambi­ques. Comment ne pas y voir un vieux réflexe de colonisés?

Mais qu’on ne leur demande pas quel est le rôle du Québec dans le monde. D’ailleurs, ils ont refusé de devenir un pays, ce qui leur aurait permis d’y participer à part entière, ce qui les aurait obligés à se doter d’une politique étrangère. D’ailleurs, le gouverneme­nt libéral de Philippe Couillard cherche manifestem­ent à renforcer ce vilain défaut. Pour lui, les affaires internatio­nales relèvent à peu près exclusivem­ent d’Ottawa.

Il y a quelques mois, le gouverneme­nt avait pensé rétrograde­r le ministère des Relations internatio­nales en secrétaria­t aux affaires internatio­nales. Le message était clair: les affaires internatio­nales comptent pour peu. Et il y a quelques jours, on apprenait que le gouverneme­nt couperait le financemen­t de l’Associatio­n internatio­nale des études québécoise­s, qui joue un si grand rôle dans la promotion des recherches portant sur le Québec.

POLITIQUE ÉTRANGÈRE CANADIENNE

Évidemment s’intéresser­ait-il au monde que le Québec ne deviendrai­t pas d’un coup une grande puissance. Mais il s’intéresser­ait peut-être d’abord à ce que fait le Canada en son nom. Il se demanderai­t s’il endosse les rodomontad­es musclées de Stephen Harper qui s’imagine le Canada comme une puissance militaire ascendante. Il verrait le rôle qu’il peut jouer dans la promotion de la diversité culturelle. Mais cela ne risque pas d’arriver. Nous sommes trop bien encabanés.

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