Un roman jubilatoire à lire sans faute
Après Le Club des incorrigibles optimistes et La vie rêvée d’Ernesto G., l’écrivain français Jean-Michel Guenassia nous revient avec une histoire dont on se souviendra longtemps.
Jean-Michel Guenassia ne s’est certes pas trompé en laissant tomber le métier de scénariste télé pour devenir écrivain à temps plein: Trompe-la-mort, son quatrième roman, est le genre de bouquin qui parvient si vite à nous happer qu’on ne voit ni le temps filer, ni les pages défiler. D’ailleurs, maintenant qu’on l’a terminé, on vous envie. Sachant quel fabuleux plaisir de lecture ce livre vous réserve, on ne peut s’empêcher d’être un peu jaloux...
«Au début des années 1980, j’ai écrit un roman policier très classique [ Pour cent
millions, qui a été réédité l’an dernier au Livre de poche sous le titre Dernière
donne], précise Jean-Michel Guenassia, qu’on a joint chez lui à Paris. Mais il est passé presque inaperçu, d’autres titres plus importants ayant été publiés à la même époque. En fait, c’est surtout Le
Dahlia noir de James Ellroy qui m’a posé problème. Je me suis dit que si je n’étais pas capable d’écrire quelque chose d’aussi fort et d’aussi abouti, ça ne valait pas la peine de continuer.»
Du coup, Jean-Michel Guenassia a mis sa carrière d’écrivain entre parenthèses pendant près de 20 ans avant d’attaquer son deuxième roman. Et cette fois-ci, il ne tardera pas à connaître la consécration: en plus d’avoir été l’une des plus belles surprises de la rentrée littéraire 2009, Le Club des incorrigibles optimistes remportera le prix Goncourt des lycéens et le prix des lecteurs de Notre Temps. Suivra trois ans plus tard La vie
rêvée d’Ernesto G., qui sera également encensé de toutes parts.
BROTHERS IN ARMS
Aussi bons soient-ils, on a cependant un faible pour Trompe-la-mort, qui raconte le destin incroyablement riche en péripéties de Thomas Larch.
«Au départ, j’avais l’idée d’un homme très fortuné qui demanderait à quelqu’un d’aller chercher son fils à l’étranger, ce qui obligerait ce dernier à revenir dans le pays de son enfance et à faire le point sur son passé, précise Jean-Michel Guenassia. Mais formulée comme ça, je n’arrivais pas à en tirer quoi que ce soit. C’est au cours d’un voyage en Inde que ça a percuté: une partie de l’histoire allait se dérouler làbas, parce que dans ce pays, on a toujours l’impression que la réalité nous échappe.» Derrière les sourires chaleureux et le décor époustouflant des rues de Delhi se cachent en effet bien des choses qu’il vaut mieux continuer à ignorer. Tom Larch, qui y a passé les huit premières années de sa vie et qui en conserve de merveilleux souvenirs, hésitera donc à retourner en Inde pour retrouver l’unique héritier d’un milliardaire anglais.
«En somme, Trompe-la-mort est un roman sur la quête d’identité, poursuit Jean-Michel Guenassia. Né d’un père britannique et d’une mère indienne, Tom est à cheval sur deux cultures et nulle part il ne se sent à sa place. Ce qui explique pourquoi il décidera d’intégrer le corps des Royal Marines dès l’âge de 18 ans, l’armée étant une grande famille où on ne pose pas de questions.»
AUSSI VRAI QUE NATURE
Tour à tour envoyé en Irlande du Nord, au Sierra Leone, en Afghanistan et en Irak, Tom frôlera ainsi 100 fois la mort. Victime d’un commando terroriste, il passera même à un cheveu d’être enterré vivant, deux médecins l’ayant déclaré décédé. C’est là qu’il finira par hériter du surnom de Trompela-mort et qu’il sera obligé d’affronter son passé pour enfin réussir à panser toutes ses plaies.
Un récit si vivant et si vibrant qu’on s’est demandé si le personnage de Tom n’avait pas réellement existé. «Je suis toujours ravi lorsqu’on me pose cette question, confie Jean-Michel Guenassia. Mais non, Tom est une pure création. J’aime bien faire des autobiographies fictives en racontant tout le roman du point de vue du personnage et en nourrissant l’action avec beaucoup de détails et de précisions. J’essaie également de faire avancer l’intrigue par l’émotion, sans tomber dans le mélo. C’est pour ça qu’on ressent de l’empathie pour le personnage, qu’on le comprend et qu’on a l’impression que son histoire est autobiographique.»
Mieux? On a aussi la très nette impression que Trompe-la-mort risque de figurer sous peu dans le palmarès des meilleures ventes…