Chaque pilule coûte 10 ¢ de ici
Le Québec paie ses médicaments plus cher parce qu’on renouvelle les ordonnances plus souvent
Les Québécois couverts par une assurance privée paient chaque pilule 10 ¢ de plus que les Ontariens, principalement parce qu’ils ont l’habitude de renouveler leurs ordonnances plus souvent et parce qu’ils ne se soucient pas des honoraires des pharmaciens.
Comme 60% des Québécois sont assurés au privé, cela touche des millions de personnes et la société québécoise pourrait économiser des centaines de millions de dollars.
Le gouvernement pourrait lui aussi économiser si les ordonnances qu’il rembourse par l’intermédiaire du régime public étaient renouvelées moins souvent.
Chaque fois qu’un médicament est renouvelé, les pharmaciens facturent des honoraires ( et des marges bénéficiaires) qui finissent par coûter cher à la société québécoise.
Dix sous par pilule, cela représente des centaines de millions de dollars de plus par année pour les compagnies d’assurances, qui refilent la facture à
leurs clients.
TOUS LES MOIS ET DEMI
Ailleurs au pays, il n’est pas rare que le renouvellement pour les médicaments de maintenance (comme ceux pour traiter le diabète, le cholestérol ou le coeur) se fasse tous les 90 jours seulement.
En Ontario, la durée moyenne d’une ordonnance est de 41 jours plutôt que 20 jours au Québec, selon les données du Canadian Rx
Atlas. On renouvelle donc beaucoup moins souvent en Ontario, surtout pour les médications à long terme.
Même si la marge bénéficiaire du pharmacien est souvent plus élevée pour un renouvellement tous les trois mois, cela représente néanmoins des économies d’échelles importantes sur un an. Pour le même nombre de pilules, les Québécois paient 330 $ en honoraires et marge bénéficiaire, contre 192 $ en Ontario, un écart de 72% selon les calculs de l’actuaire Jacques L’Espérance à partir des données de Telus Santé.
L’ÉCART SE CREUSE
Le coût unitaire moyen des médicaments est de 1,21 $ dans la Belle Province, comparativement à 1,11 $ chez nos voisins ontariens, selon des données obtenues par notre Bureau d’enquête.
Il y a six ans, l’écart entre les deux provinces n’était que d’un sou noir. Rien qu’entre 2010 et 2012, il a progressé de 19%.
Le coût des médicaments par habitant est maintenant plus élevé d’environ 130 $ par année au Québec qu’il ne l’est dans le reste du Canada. Avant les années 2000, les coûts étaient similaires.
TROP DE RENOUVELLEMENTS
Les frais d’ordonnances sont inclus dans la facture de médicaments des patients, si bien qu’ils sont invisibles. De plus, ils varient grandement d’une pharmacie à l’autre au Québec. «Certains pharmaciens ne se gênent pas pour exiger des frais abusifs», déplore le chercheur Marc-André Gagnon, de l’Université Carleton. En Ontario, les honoraires doivent être affichés à la vue et sont déclarés à l’Ordre des pharmaciens ( voir article en
page 4).
D’AUTRES RAISONS
Plus d’un facteur expliquent cet écart, mais l’habitude au Québec de faire renouveler les ordonnances tous les mois pèse lourd dans la balance. Depuis l’instauration du régime public d’assurance-médicaments en 1997, l’écart n’a pas cessé de grandir entre le Québec et le reste du pays. √ Ce régime fait en sorte que tous les Québécois sont soit couverts par des régimes privés (souvent assumés en partie par leur employeur), soit par le régime public d’assurance-médicaments (assistés sociaux, retraités et travailleurs autonomes sans assurance). Comme tous sont couverts par une assurance, ils dépensent plus et davantage pour des médicaments de spécialités plus chers. √ Le gouvernement impose aussi aux régimes privés de rembourser un minimum de 68% du coût des médicaments, quel qu’en soit le prix, qu’ils soient génériques ou d’origine. √ La population est un peu plus âgée. √ Les Québécois consomment un peu plus de médicaments par habitant qu’ailleurs au pays.