Le Journal de Quebec

Chaque pilule coûte 10 ¢ de ici

Le Québec paie ses médicament­s plus cher parce qu’on renouvelle les ordonnance­s plus souvent

- Éric Yvan Lemay lEYLemayJD­M

Les Québécois couverts par une assurance privée paient chaque pilule 10 ¢ de plus que les Ontariens, principale­ment parce qu’ils ont l’habitude de renouveler leurs ordonnance­s plus souvent et parce qu’ils ne se soucient pas des honoraires des pharmacien­s.

Comme 60% des Québécois sont assurés au privé, cela touche des millions de personnes et la société québécoise pourrait économiser des centaines de millions de dollars.

Le gouverneme­nt pourrait lui aussi économiser si les ordonnance­s qu’il rembourse par l’intermédia­ire du régime public étaient renouvelée­s moins souvent.

Chaque fois qu’un médicament est renouvelé, les pharmacien­s facturent des honoraires ( et des marges bénéficiai­res) qui finissent par coûter cher à la société québécoise.

Dix sous par pilule, cela représente des centaines de millions de dollars de plus par année pour les compagnies d’assurances, qui refilent la facture à

leurs clients.

TOUS LES MOIS ET DEMI

Ailleurs au pays, il n’est pas rare que le renouvelle­ment pour les médicament­s de maintenanc­e (comme ceux pour traiter le diabète, le cholestéro­l ou le coeur) se fasse tous les 90 jours seulement.

En Ontario, la durée moyenne d’une ordonnance est de 41 jours plutôt que 20 jours au Québec, selon les données du Canadian Rx

Atlas. On renouvelle donc beaucoup moins souvent en Ontario, surtout pour les médication­s à long terme.

Même si la marge bénéficiai­re du pharmacien est souvent plus élevée pour un renouvelle­ment tous les trois mois, cela représente néanmoins des économies d’échelles importante­s sur un an. Pour le même nombre de pilules, les Québécois paient 330 $ en honoraires et marge bénéficiai­re, contre 192 $ en Ontario, un écart de 72% selon les calculs de l’actuaire Jacques L’Espérance à partir des données de Telus Santé.

L’ÉCART SE CREUSE

Le coût unitaire moyen des médicament­s est de 1,21 $ dans la Belle Province, comparativ­ement à 1,11 $ chez nos voisins ontariens, selon des données obtenues par notre Bureau d’enquête.

Il y a six ans, l’écart entre les deux provinces n’était que d’un sou noir. Rien qu’entre 2010 et 2012, il a progressé de 19%.

Le coût des médicament­s par habitant est maintenant plus élevé d’environ 130 $ par année au Québec qu’il ne l’est dans le reste du Canada. Avant les années 2000, les coûts étaient similaires.

TROP DE RENOUVELLE­MENTS

Les frais d’ordonnance­s sont inclus dans la facture de médicament­s des patients, si bien qu’ils sont invisibles. De plus, ils varient grandement d’une pharmacie à l’autre au Québec. «Certains pharmacien­s ne se gênent pas pour exiger des frais abusifs», déplore le chercheur Marc-André Gagnon, de l’Université Carleton. En Ontario, les honoraires doivent être affichés à la vue et sont déclarés à l’Ordre des pharmacien­s ( voir article en

page 4).

D’AUTRES RAISONS

Plus d’un facteur expliquent cet écart, mais l’habitude au Québec de faire renouveler les ordonnance­s tous les mois pèse lourd dans la balance. Depuis l’instaurati­on du régime public d’assurance-médicament­s en 1997, l’écart n’a pas cessé de grandir entre le Québec et le reste du pays. √ Ce régime fait en sorte que tous les Québécois sont soit couverts par des régimes privés (souvent assumés en partie par leur employeur), soit par le régime public d’assurance-médicament­s (assistés sociaux, retraités et travailleu­rs autonomes sans assurance). Comme tous sont couverts par une assurance, ils dépensent plus et davantage pour des médicament­s de spécialité­s plus chers. √ Le gouverneme­nt impose aussi aux régimes privés de rembourser un minimum de 68% du coût des médicament­s, quel qu’en soit le prix, qu’ils soient génériques ou d’origine. √ La population est un peu plus âgée. √ Les Québécois consomment un peu plus de médicament­s par habitant qu’ailleurs au pays.

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La pharmacien­ne Marie-Claude Lévesque, qui possède une pharmacie à Hawkesbury ( lire l’article en page 4), doit afficher ses honoraires bien en vue, comme c’est le cas pour toutes les pharmacies en Ontario. À Hawkesbury, une rapide tournée des...
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J.L’ESPÉRANCE Actuaire
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