Le Journal de Quebec

Folies canadienne­s

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

MAIS VOUS N’ENTENDREZ PAS DE LEADER POLITIQUE VOUS DIRE QU’IL EST IMPOSSIBLE D’INTÉGRER LES INTÉGRISTE­S

Le gouverneme­nt Harper a raison de porter en appel la délirante décision de la Cour fédérale qui autorisait une femme arrivée du Pakistan en 2008 à prêter son serment de citoyennet­é canadienne le visage recouvert par un niqab.

On peut être très critique, comme c’est mon cas, du régime politique canadien. Mais la cérémonie par laquelle vous devenez citoyen canadien, à laquelle j’ai participé en 1975, est un geste public et solennel d’adhésion non à une option constituti­onnelle, mais aux valeurs de la vie civique canadienne.

Si la cérémonie est publique, c’est justement pour signifier que votre adhésion est ouverte, transparen­te et libre.

La symbolique n’est pas un détail. Vouloir s’y présenter le visage voilé, c’est nier radicaleme­nt un des piliers de ce pacte entre la personne et sa nouvelle famille d’accueil.

Cette citoyennet­é donne aussi droit à un passeport dans lequel on ne concevrait pas que la photo soit celle d’un visage caché.

DÉRAPAGE

Le juge Keith Boswell voit cependant dans l’obligation de se découvrir le visage une atteinte inacceptab­le à la liberté religieuse.

S’estimant sans doute subtil, il ajoute que s’il fallait voir les lèvres bouger lors du serment, que feront les muets ou les moines ayant fait voeu de silence?

Voilà où en est rendue une part de l’élite juridique canadienne. Riez si vous voulez, mais il est cruellemen­t vrai qu’un poisson pourrit d’abord par la tête.

Au moment du débat québécois sur la charte des valeurs, des juristes nous avaient mis en garde contre le danger de hiérarchis­er les droits.

Ils étaient en retard sur la réalité. Les droits sont déjà hiérarchis­és au Canada et, au-dessus de tous les autres, celui de rejeter radicaleme­nt nos valeurs si la religion sert de justificat­ion.

Dans une belle combinaiso­n de calcul politique et de lâcheté intellectu­elle, Justin Trudeau a refusé de se prononcer.

On ne cesse de nous bercer de belles paroles sur l’intégratio­n des immigrants. Mais l’intégratio­n repose sur un compromis réciproque.

Pour qu’il y ait intégratio­n, la société d’accueil doit accepter qu’elle soit progressiv­ement modifiée par les nouveaux arrivants.

L’immigrant, lui, invité dans une famille qui choisit ensuite si, oui ou non, elle l’adopte définitive­ment, doit laisser à l’entrée ses moeurs les moins compatible­s avec celles de la maison qui lui ouvre sa porte.

IMPOSSIBLE

Bref, chacun fait son bout de chemin. C’est comme une épice qui parfume un mets sans le dénaturer.

Mais l’intégriste religieux, lui, considère que sa foi est inaltérabl­e, inébranlab­le, intouchabl­e et ne souffre pas le moindre compromis. Il exige qu’on l’accepte tel quel.

Il refuse radicaleme­nt ce compromis fondamenta­l qu’exige l’intégratio­n authentiqu­e. L’intégratio­n est donc impossible.

Mais vous n’entendrez pas de leader politique vous dire qu’il est impossible d’intégrer les intégriste­s.

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