Le Journal de Quebec

Comment un Québécois a aidé à coincer un trafiquant de faux passeports

- ANDREW MCINTOSH ET FÉLIX SÉGUIN Bureau d’enquête

« je ne dors pas bien la nuit, aujourd’hui »

Un Québécois travaillan­t dans le plus grand secret a permis de mettre à jour un important réseau de faux passeports canadiens et étrangers offerts à des terroriste­s et à des contreband­iers.

Arian Azarbar est un homme d’affaires montréalai­s d’origine iranienne devenu, un peu malgré lui, collaborat­eur pour l’agence des services frontalier­s du Canada, la GRC et le Service canadien du renseignem­ent de sécurité (SCRS).

Son nom a fait surface l’an dernier dans des documents policiers l’identifian­t comme «un agent de renseignem­ent iranien».

Cela l’a blessé, ditil, et c’est un peu pour cela qu’il accepte aujourd’hui de raconter à notre Bureau d’enquête comment il a aidé les autorités canadienne­s et thaïlandai­ses à épingler Pa rk n e j e d S eye d Ramin, un trafiquant de faux passeports canadiens et étrangers, qui fournissai­t des terroriste­s violents et des trafiquant­s d’humains ou de drogues.

«Le Canada a profité de mon grand réseau de contacts en Amérique du Sud et ici, dit-il. Toutes les activités illégales (trafic de drogue, trafic d’immigrants) passaient par Caracas.»

TRAFIC DE PASSEPORTS

Arian Azarbar a longtemps fait des af f a i r e s à Ca ra c a s , c ap it a l e du Venezuela. C’est ainsi qu’un jour il a été informé de l’existence d’un réseau internatio­nal de trafic de passeports.

Durant une seule opération, Azarbar aurait lui-même récupéré des centaines de passeports iraniens qu’il a livrés à un agent de liaison de la GRC, à l’ a mba ss a d e d u Ca na d a à Caracas. Cela a permis aux autorités de les numériser, d’identifier les personnes impliquées et de repérer tous ces immigrants.

Hasard ou non, le Canada a rompu ses relations diplomatiq­ues avec l’iran quelques mois après cette affaire et a expulsé tous ses diplomates.

LOGICIEL ESPION

Arian Azarbar ne tient pas à donner plus de détails sur son implicatio­n, mais il confie que ce qu’il faisait a parfois été dangereux.

«J’ai beaucoup aidé le gouverneme­nt canadien, dit-il. Je peux dire que je ne dors pas bien la nuit, aujourd’hui.»

Par exemple, l’enquête qui avait ciblé la tête dir ig e a n t e , M. Ra mi n , a néces si t é l ’ ut il i s at io n clandestin­e d’un logiciel espion sur l’ordinateur d’un de ses associés. Ces logiciels permettent de savoir tout ce qu’une personne fait avec son ordinateur.

«Il y avait des risques pour notre sécurité nationale, ça, c’est sûr», dit-il.

Il admet avoir reçu des «bonis et récompense­s» des agences du Canada pour son aide dans cette affaire et aussi dans d’autres cas.

Mais il soutient avoir agi par patriotism­e pour le Canada et ses eff or t s an t i t e r r o r i st es , e t no n po u r l’argent.

Fidèles à leur habitude, ni la GRC, ni les services frontalier­s ou le SCRS n’ont voulu répondre à nos questions sur leurs liens avec Azarbar et son rôle dans l’enquête internatio­nale.

Chose certaine, le faussaire de passeports a été arrêté par les autorités thaïlandai­ses, en 2012, en banlieue de Bangkok.

DES MILLIONS EN PROFITS

Dans le condo de M. Ramin, des enquêteurs antiterror­istes thaïlandai­s ont saisi des équipement­s et des documents démontrant que le faussaire avait fabriqué plus de 3000 faux passeports. Il aurait ainsi empoché des profits de plus de 3 millions de dollars en les vendant pour plus de 1100 $ chacun.

Ramin aurait même gardé un fichier de tous ses clients depuis 2007. Il y en avait au Canada, en Nouvelle-zélande, en Australie et dans une douzaine d’autres pays, selon les enquêteurs thaïlandai­s.

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Aujourd’hui, Arian Azarbar affirme ne plus collaborer avec les autorités policières et les agences de renseignem­ent.
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Le trafic permettait à des Iraniens de passer par le Venezuela, en Amérique du Sud, où ils pouvaient voyager avec leur passeport iranien, pour ensuite entrer au Canada avec de faux passeports.

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