Comment un Québécois a aidé à coincer un trafiquant de faux passeports
« je ne dors pas bien la nuit, aujourd’hui »
Un Québécois travaillant dans le plus grand secret a permis de mettre à jour un important réseau de faux passeports canadiens et étrangers offerts à des terroristes et à des contrebandiers.
Arian Azarbar est un homme d’affaires montréalais d’origine iranienne devenu, un peu malgré lui, collaborateur pour l’agence des services frontaliers du Canada, la GRC et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).
Son nom a fait surface l’an dernier dans des documents policiers l’identifiant comme «un agent de renseignement iranien».
Cela l’a blessé, ditil, et c’est un peu pour cela qu’il accepte aujourd’hui de raconter à notre Bureau d’enquête comment il a aidé les autorités canadiennes et thaïlandaises à épingler Pa rk n e j e d S eye d Ramin, un trafiquant de faux passeports canadiens et étrangers, qui fournissait des terroristes violents et des trafiquants d’humains ou de drogues.
«Le Canada a profité de mon grand réseau de contacts en Amérique du Sud et ici, dit-il. Toutes les activités illégales (trafic de drogue, trafic d’immigrants) passaient par Caracas.»
TRAFIC DE PASSEPORTS
Arian Azarbar a longtemps fait des af f a i r e s à Ca ra c a s , c ap it a l e du Venezuela. C’est ainsi qu’un jour il a été informé de l’existence d’un réseau international de trafic de passeports.
Durant une seule opération, Azarbar aurait lui-même récupéré des centaines de passeports iraniens qu’il a livrés à un agent de liaison de la GRC, à l’ a mba ss a d e d u Ca na d a à Caracas. Cela a permis aux autorités de les numériser, d’identifier les personnes impliquées et de repérer tous ces immigrants.
Hasard ou non, le Canada a rompu ses relations diplomatiques avec l’iran quelques mois après cette affaire et a expulsé tous ses diplomates.
LOGICIEL ESPION
Arian Azarbar ne tient pas à donner plus de détails sur son implication, mais il confie que ce qu’il faisait a parfois été dangereux.
«J’ai beaucoup aidé le gouvernement canadien, dit-il. Je peux dire que je ne dors pas bien la nuit, aujourd’hui.»
Par exemple, l’enquête qui avait ciblé la tête dir ig e a n t e , M. Ra mi n , a néces si t é l ’ ut il i s at io n clandestine d’un logiciel espion sur l’ordinateur d’un de ses associés. Ces logiciels permettent de savoir tout ce qu’une personne fait avec son ordinateur.
«Il y avait des risques pour notre sécurité nationale, ça, c’est sûr», dit-il.
Il admet avoir reçu des «bonis et récompenses» des agences du Canada pour son aide dans cette affaire et aussi dans d’autres cas.
Mais il soutient avoir agi par patriotisme pour le Canada et ses eff or t s an t i t e r r o r i st es , e t no n po u r l’argent.
Fidèles à leur habitude, ni la GRC, ni les services frontaliers ou le SCRS n’ont voulu répondre à nos questions sur leurs liens avec Azarbar et son rôle dans l’enquête internationale.
Chose certaine, le faussaire de passeports a été arrêté par les autorités thaïlandaises, en 2012, en banlieue de Bangkok.
DES MILLIONS EN PROFITS
Dans le condo de M. Ramin, des enquêteurs antiterroristes thaïlandais ont saisi des équipements et des documents démontrant que le faussaire avait fabriqué plus de 3000 faux passeports. Il aurait ainsi empoché des profits de plus de 3 millions de dollars en les vendant pour plus de 1100 $ chacun.
Ramin aurait même gardé un fichier de tous ses clients depuis 2007. Il y en avait au Canada, en Nouvelle-zélande, en Australie et dans une douzaine d’autres pays, selon les enquêteurs thaïlandais.