Le Journal de Quebec

Grève et démocratie

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Dans une société de droit, le droit est administré par les tribunaux. Or, ceux-ci sont clairs: le droit de grève étudiant n’existe pas, car il n’y a pas de loi permettant à des associatio­ns étudiantes de brimer les droits individuel­s de leurs membres en les empêchant d’assister à leurs cours. D’autre part, tous les dictionnai­res le confirment: la grève est un recours exercé uniquement par les travailleu­rs. Les parlements ont posé un geste exceptionn­el en accordant à ceux-ci une arme redoutable qui leur permet d’exercer un meilleur rapport de forces et, conséquemm­ent, d’obtenir de meilleures conditions de rémunérati­on et de travail, en échange de leur prestation de travail.

Et c’est ici que ça devient intéressan­t. Dans une entrevue accordée cette semaine à Anne Marie Dussault sur les ondes de RDI, Gérald Larose disait que les syndicats ont acquis leur puissance à partir du moment où le droit de grève leur a été accordé. Est-ce cela que l’on veut faire avec les associatio­ns étudiantes? Clarifier les règles de la démocratie étudiante dans le but de permettre à leurs associatio­ns de mieux faire valoir leurs opinions et revendicat­ions est une chose. Leur accorder un droit au boycottage de services, lequel constituer­ait une arme aussi puissante que la grève, en est une autre.

Car c’est bien d’un boycottage dont il s’agit. Les étudiants reçoivent un service largement payé par l’état. Même s’ils reçoivent des prêts et bourses, ils ne sont pas des travailleu­rs et ne s’engagent à rien en échange de leurs études. Si on accorde un droit de boycottage aux étudiants, pourquoi ne pas accorder le même droit aux autres groupes et associatio­ns librement constitués? Et sur quoi porterait ce droit au boycottage? Même les travailleu­rs ont un droit de grève limité. Ils peuvent l’utiliser pour négocier leurs conditions de travail, mais pas pour réformer la société ou bloquer les décisions des parlements. Si les étudiants militants veulent imposer leur programme politique, qu’ils se procurent leur carte de membre de Québec solidaire ou qu’ils fondent leur propre parti politique; mais qu’ils cessent de prendre en otages leurs confrères et consoeurs ainsi que toute la société.

Serge Parent, BA MRI

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