« Je suis » mal à l’aise
Voilà trois mois que l’on se javellise la conscience à coups de «Je suis Charlie», «Je suis Raïf», «Je suis Kenya» et des «Je suis» à toutes sortes de sauces. La solidarité semble la vertu à la mode en 2015. Mais ce grandiloquent élan mondial commence à me mettre mal à l’aise.
Parmi les milliers qui claironnent des «Je suis...», combien se soucient de la voisine monoparentale qui travaille au salaire minimum et à qui on pourrait offrir quelques légumes achetés en trop?
Combien d’automobilistes impatients klaxonnent la vieille madame qui traverse la rue lentement, au lieu de respecter son rythme?
Combien vont sourire ou tendre la main au sans-abri qui gît au coin de sa rue?
Combien dénigrent les étudiants qui se tiennent debout, parce que ça les dérange qu’ils bloquent le trafic à l’heure de pointe?
Combien crachent sur les assistés sociaux, alors que, pour la très grande majorité d’entre eux, la pauvreté n’est pas un choix?
Combien lisent des livres pour parler aux anges, mais bourrent leurs enfants de Ritalin pour avoir la paix? Nous sommes devenus une société hyper individualiste où chacun se plaint de tout et ne pense d’abord qu’à ses propres intérêts. L’entraide est rare dans ce tissu social troué comme un chiffon J. Trop souvent, mes yeux voient des champions du «chacun-pour-soi» incapables de manifester la moindre solidarité envers son semblable si proche, son voisin, son concitoyen. Y a pas un proverbe qui commence par «solidarité bien ordonnée...»?
Sylvain-claude Filion