Le Plan mort ressuscité
Le gigantisme des chiffres donnait le vertige lors de la présentation du Plan Nord de Jean Charest, au cours d’un spectacle son et lumière, au Centre des congrès de Lévis, en mai 2011.
Tout le Québec avait été mobilisé. Les hauts fonctionnaires étaient sur leur 36; les journalistes ont été séquestrés pour une séance de travail comme le jour du dépôt d’un budget, les dirigeants d’associations patronales et syndicales salivaient; les autochtones calculaient, les yeux mi-clos.
Je retournais pour ma part 40 ans en arrière, quand Robert Bourassa faisait rêver les Québécois avec les mégaprojets hydroélectriques de la baie James.
Ces chantiers sont si surdimensionnés que notre cerveau de citadin a de la difficulté à se les représenter concrètement.
D’ailleurs, de nombreux analystes affichaient leur scepticisme sans retenue. Le gouvernement Charest était en fin de mandat, écrasé sous des allégations de corruption. À celles-ci allaient s’ajouter celles de brader nos ressources naturelles pour enrichir des multinationales et leurs intermédiaires, amis du régime. Les libéraux vendaient du rêve dans une ultime tentative pour sauver leur peau aux élections à venir, disait-on.
PLEIN LA VUE
Quelques jours plus tard, je faisais partie des journalistes affectés à l’annonce par Jean Charest d’un investissement de 2,1 G$ par la minière Arcelormittal, à Mont Wright. Les communicateurs du gouvernement avaient voulu nous faire visualiser le Plan Nord. Ce fut réussi.
Les visiteurs se faisaient photographier aux côtés d’un immense camion de 400 tonnes, aux roues de 4 mètres de diamètre. Nous étions des lilliputiens atterris sur une planète de géants. Tout était disproportionné à la mine.
Les investissements annoncés de 80 G$ sur 25 ans, la création ou le main- tien de 20 000 emplois/année, des projets d’hydro-québec de 47 G$ sur 25 ans et des développements miniers de 33 G$, tout cela prenait un sens.
PLAN NORD 2.0
Le gouvernement Charest a été défait quelques mois plus tard. Celui dirigé par Pauline Marois s’est ouvertement affiché contre le Plan Nord, devenu le Plan mort.
Le prix des minerais a chuté, mais cela n’explique pas tout dans la chute d’intérêt des minières pour le Québec.
L’ex-ministre Martine Ouellet a tenté de faire agenouiller les géants de l’industrie dans une première mouture de la loi sur les mines, totalement déconnectée.
Elle se donnait le pouvoir discrétionnaire de refuser ou de mettre fin en tout temps à une demande de bail; elle entendait forcer la transformation au Québec du minerai; imposer aux minières en santé une taxe pour la restauration des sites dits orphelins… Les minières n’étaient pas les bienvenues au Québec. La version Couillard du Plan Nord est plus modeste: il est passé de 80 G$ à 50 G$ d’investissements publics et privés, de 20 000 à 9700 emplois et de 1 G$ en redevances à 100 M$ seulement.
L’annonce en a aussi été faite sans le fla-fla de 2011. Le plus important dans celle-ci est le message qu’elle a envoyé dans les salles feutrées des conseils d’administration de l’industrie minière.
Le Québec est redevenu une terre hospitalière à considérer dans vos projets d’investissements.