Le Journal de Quebec

Adieu, mon frère

- denis coderre Maire de Montréal

Cette semaine, Montréal a perdu un homme d’exception soucieux des plus démunis et moi, j’ai perdu un ami. En plus d’avoir été archevêque du diocèse de Montréal pendant plus de 22 ans, de 1990 à 2012, le cardinal Jean-Claude Turcotte était une figure connue et respectée de la métropole. Nous ne sommes pas près de l’oublier.

Il y a quelques semaines, alors que je préparais une lettre au pape François pour l’inviter aux célébratio­ns du 375e anniversai­re de Montréal, je fus appelé à réfléchir à l’apport – considérab­le, il ne faut pas s’en cacher – de l’église catholique à l’histoire de Montréal, la «ville aux cent clochers». Bien entendu, cette présence de l’église dans nos vies s’est considérab­lement transformé­e avec le temps. Une transforma­tion qu’a vécue et à laquelle a contribué mon ami Jean-Claude Turcotte.

DEUX HOMMES, DEUX ÉPOQUES

À l’occasion de son décès, on m’a rappelé un événement qui s’est déroulé en janvier 1953, alors que le cardinal Paul- Émile Léger, de retour de Rome, avait déclaré à la foule venue l’accueillir à la gare Windsor: «Montréal, ô ma ville, tu as voulu te faire belle pour recevoir ton pasteur et ton prince!»

Deux hommes, deux époques, deux réalités différente­s. Si Paul-émile Léger était le prince, Jean-claude Turcotte, lui, était le berger. Un homme bienveilla­nt, proche des gens, qui préférait agir sur le terrain et prêcher par l’exemple en travaillan­t avec ceux dans le besoin auprès d’organismes comme l’accueil Bonneau ou la Maison du Père, notamment.

À cause de son immense talent de communicat­eur, on a dit que Jean-Claude Turcotte représenta­it le nouveau visage de l’église catholique. En ce sens, il ressemblai­t énormément au pape François, avec son petit côté anti-establishm­ent, son ouverture sur les causes sociales et sa grande bonté.

UN AVIS RECHERCHÉ

Mais cela allait beaucoup plus loin: il transcenda­it la religion. Jean-claude Turcotte pouvait discuter de politique, d’économie, de sports... Sa grande expérience du terrain, sa lucidité et son pragmatism­e en faisaient un conseiller exemplaire, un homme dont l’opinion était recherchée et appréciée.

Avant de prendre la décision de me présenter à la mairie de Montréal, j’ai consulté plusieurs personnes pour obtenir leur avis. Jean-claude Turcotte était un de ceux-là. Et sans hésitation, il m’a conseillé de faire le saut en politique municipale. «Tu es fait pour ça», m’avait-il confié.

Il n’avait pas la langue dans sa poche et il était réputé pour son franc-parler. Une qualité que j’appréciais grandement chez lui. Bien sûr, il demeurait un homme de conviction. Et à ce titre, il n’a pas créé de révolution dans l’église catholique. Mais il a contribué pour beaucoup à en rendre le message plus humain, plus authentiqu­e et mieux adapté à notre époque.

À l’heure où l’intoléranc­e semble prendre plus de place dans le monde, la sagesse et la bienveilla­nce de Mgr Jean-claude Turcotte vont nous manquer énormément. J’invite tous les Montréalai­s à honorer sa mémoire. Merci pour tout, Jean-claude. Adieu, mon frère.

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