L’université à tous vents
Question existentielle: selon vous, l’université devrait-elle être un sanctuaire protégé des tempêtes qui soufflent à l’extérieur ou une agora ouverte à tous les vents?
Un refuge qui nous abrite ou un haut-parleur qui nous excite?
C’est la question que je me pose ces temps-ci…
UN SIGNE DE L’APOCALYPSE
La semaine dernière, à Répliques (une émission de radio de France Culture que j’écoute religieusement depuis des années), le philosophe Alain Finkielkraut se demandait si les penseurs devaient se situer HORS de leur époque ou DANS leur époque.
Que devraient faire les intellectuels, les penseurs et les universitaires: se couper du chaos ambiant pour mieux réfléchir ou, au contraire, ouvrir la porte de leur tour d’ivoire pour laisser le tumulte extérieur envahir leur salon?
Cela fait des siècles que des penseurs se posent cette question.
C’est comme le coup de l’oeuf ou la poule…
Dans The Future (sa plus grande chanson à mon avis), le Montréalais Leonard Cohen brosse un portrait apocalyptique de l’avenir.
Il prédit que, dans quelques années, les assassins deviendront des idoles (Ben Laden, qui est une superstar dans certains pays), les guerres de religion feront couler le sang (l’état islamique) et la tempête du monde traversera le seuil de notre intimité pour mettre notre âme sens dessus dessous.
« The blizzard, the blizzard of the world / has crossed the threshold / and it has overturned the order of the soul… »
Pour lui, la contamination de l’esprit par le tumulte de l’actualité ne serait ni plus ni moins qu’un signe de l’apocalypse.
Une preuve irréfutable du déclin de l’empire américain.
ENFONCÉS DANS L’ACTUALITÉ
Ce qui me ramène à ma question originale.
L’université devrait-elle être un sanctuaire protégé des tempêtes qui soufflent à l’extérieur ou une agora ouverte à tous les vents?
Régulièrement, des étudiants m’écrivent pour me dire qu’ils ont «analysé» une de mes chroniques dans leur cours. Et chaque fois (ce n’est pas de la fausse modestie, croyez-moi!), ça me jette par terre.
Primo, parce que mes textes, écrits à chaud à la scie mécanique, ne méritent pas une telle attention.
Et secundo, parce que je juge que les étudiants devraient analyser les grands auteurs classiques qui ont traversé les siècles plutôt que des chroniqueurs ou des éditorialistes.
L’université, selon moi, ne sert pas à enfoncer les étudiants dans leur époque, mais à les en extirper!
La télé, la radio, les journaux, internet – tous les médias veulent nous brancher sur l’actualité, sur ce qui se passe ICI et MAINTENANT.
Est-ce trop demander à l’université que d’aider les étudiants à échapper à leur époque? À prendre un certain recul?
À se pencher sur «des temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître»?
LES TEMPLES DU SAVOIR
La semaine dernière, la présidente du syndicat des enseignants de L’UQAM disait que l’université est un «sanctuaire».
Si c’est vrai, on devrait protéger l’université du chaos extérieur. On ne devrait y inviter ni la police ni les casseurs.
L’université devrait être un lieu de réflexion, d’approfondissement et d’introspection.
Tu veux militer? Tu descends dans la rue.
Tu veux réfléchir? Tu vas à l’université.
Tu ne peux pas faire l’un ET l’autre.
L’université est-elle un sanctuaire ou une agora ?