Le Journal de Quebec

L’université à tous vents

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Question existentie­lle: selon vous, l’université devrait-elle être un sanctuaire protégé des tempêtes qui soufflent à l’extérieur ou une agora ouverte à tous les vents?

Un refuge qui nous abrite ou un haut-parleur qui nous excite?

C’est la question que je me pose ces temps-ci…

UN SIGNE DE L’APOCALYPSE

La semaine dernière, à Répliques (une émission de radio de France Culture que j’écoute religieuse­ment depuis des années), le philosophe Alain Finkielkra­ut se demandait si les penseurs devaient se situer HORS de leur époque ou DANS leur époque.

Que devraient faire les intellectu­els, les penseurs et les universita­ires: se couper du chaos ambiant pour mieux réfléchir ou, au contraire, ouvrir la porte de leur tour d’ivoire pour laisser le tumulte extérieur envahir leur salon?

Cela fait des siècles que des penseurs se posent cette question.

C’est comme le coup de l’oeuf ou la poule…

Dans The Future (sa plus grande chanson à mon avis), le Montréalai­s Leonard Cohen brosse un portrait apocalypti­que de l’avenir.

Il prédit que, dans quelques années, les assassins deviendron­t des idoles (Ben Laden, qui est une superstar dans certains pays), les guerres de religion feront couler le sang (l’état islamique) et la tempête du monde traversera le seuil de notre intimité pour mettre notre âme sens dessus dessous.

« The blizzard, the blizzard of the world / has crossed the threshold / and it has overturned the order of the soul… »

Pour lui, la contaminat­ion de l’esprit par le tumulte de l’actualité ne serait ni plus ni moins qu’un signe de l’apocalypse.

Une preuve irréfutabl­e du déclin de l’empire américain.

ENFONCÉS DANS L’ACTUALITÉ

Ce qui me ramène à ma question originale.

L’université devrait-elle être un sanctuaire protégé des tempêtes qui soufflent à l’extérieur ou une agora ouverte à tous les vents?

Régulièrem­ent, des étudiants m’écrivent pour me dire qu’ils ont «analysé» une de mes chroniques dans leur cours. Et chaque fois (ce n’est pas de la fausse modestie, croyez-moi!), ça me jette par terre.

Primo, parce que mes textes, écrits à chaud à la scie mécanique, ne méritent pas une telle attention.

Et secundo, parce que je juge que les étudiants devraient analyser les grands auteurs classiques qui ont traversé les siècles plutôt que des chroniqueu­rs ou des éditoriali­stes.

L’université, selon moi, ne sert pas à enfoncer les étudiants dans leur époque, mais à les en extirper!

La télé, la radio, les journaux, internet – tous les médias veulent nous brancher sur l’actualité, sur ce qui se passe ICI et MAINTENANT.

Est-ce trop demander à l’université que d’aider les étudiants à échapper à leur époque? À prendre un certain recul?

À se pencher sur «des temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître»?

LES TEMPLES DU SAVOIR

La semaine dernière, la présidente du syndicat des enseignant­s de L’UQAM disait que l’université est un «sanctuaire».

Si c’est vrai, on devrait protéger l’université du chaos extérieur. On ne devrait y inviter ni la police ni les casseurs.

L’université devrait être un lieu de réflexion, d’approfondi­ssement et d’introspect­ion.

Tu veux militer? Tu descends dans la rue.

Tu veux réfléchir? Tu vas à l’université.

Tu ne peux pas faire l’un ET l’autre.

L’université est-elle un sanctuaire ou une agora ?

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