Une fausse bonne idée
Faut-il adopter une loi qui reconnaîtrait un droit de grève légale aux étudiants?
L’idée fait son chemin. C’est ce que demande au gouvernement le recteur de L’UQAM, Robert Proulx.
Il y a parfois des idées séduisantes à première vue. Après examen, vous déchantez. En voici une.
Je comprends l’argument de fond. Actuellement, on tolère plus ou moins une pratique qui a cours depuis des décennies.
Quand les esprits s’échauffent, ce vide juridique produit une collision entre deux positions défendables: d’une part, le droit de suivre les cours pour lesquels on a payé et, d’autre part, la volonté de faire appliquer les décisions prises par les assemblées générales d’associations étudiantes dûment reconnues.
Ceux qui veulent absolument leurs cours obtiennent une injonction des tribunaux. Ceux qui ont remporté un vote en faveur de la grève disent qu’un juge ne peut nier la volonté de la «majorité».
En éliminant cette zone grise, un droit de grève permettrait de trancher ce conflit entre deux légitimités. C’est un argument ingénieux et subtil. Mais regardons l’affaire de plus près.
OBJECTIONS
Reconnaître un droit de grève irait de pair avec des conditions très strictes sur la prise de la décision. Actuellement, nombre de votes de grève sont effectués dans des conditions qui sont un simulacre de démocratie.
D’abord, j’ai peine à croire que les associations étudiantes accepteraient une supervision étroite de l’exercice. Leur comportement donne souvent à penser qu’elles voudraient peut-être ce droit, mais sans les devoirs de transparence qui vont avec.
Ensuite, le grabuge actuel est causé par une poignée d’anarchistes qui rejettent carrément le jeu institutionnel normal, dans lequel ils voient le reflet d’une société pourrie. Quand on rêve à la révolution, on n’a rien à foutre du droit bourgeois. Il y a aussi une question de principe fondamentale en jeu. Au sens strict, la grève est la cessation de la production d’un bien par un travailleur.
Un étudiant n’est pas un travailleur. Il reçoit un service. Refuser d’assister à un cours est un boycottage.
Faut-il donner une reconnaissance légale à un geste qui revient à dire: «je refuse une éducation financée par la solidarité collective»?
Un étudiant n’est pas un travailleur. Il reçoit un service. Refuser d’assister à un cours est un boycottage, pas une grève.
NULLE PART
Historiquement, le droit de grève fut accordé pour équilibrer le rapport de force entre les ouvriers et les patrons. La grève devenait une arme pour forcer les patrons à négocier autour d’enjeux précis: salaires, horaires, retraites.
Comment un gouvernement pourrait-il négocier avec des étudiants qui demandent la mise à mort des mesures «antisociales», du pétrole, du «saccage» environnemental et du capitalisme?
On me dit que ce droit n’est reconnu aux associations étudiantes nulle part au monde. Faut-il y voir un signe? Oui.