Le Journal de Quebec

Se tourner vers l’avenir

-

Serge Cadieux, secrétaire général, FTQ Jacques Létourneau, président, CSN

Il faut remercier le chroniqueu­r Michel Hébert de nous donner l’occasion d’expliquer notre position sur l’enjeu du pétrole. Nous sommes syndicalis­tes et nous voulons bâtir une véritable économie verte au Québec, par exemple en refusant un modèle économique basé sur le pétrole des sables bitumineux.

Mais, dans sa dernière chronique, M. Hébert nous accuse de parler des deux côtés de la bouche. D’un côté, ditil, nous manifeston­s contre les changement­s climatique­s aux côtés des environnem­entalistes. De l’autre, l’épargne des syndiqués, par exemple dans le Fonds de solidarité ou à Fondaction, est investie en partie dans le pétrole. C’est vrai. Par contre, depuis des années, les politiques de placement des fonds syndicaux s’accompagne­nt d’une politique d’actionnari­at responsabl­e. Nous utilisons notre pouvoir d’actionnair­e pour pousser les entreprise­s à de meilleures pratiques environnem­entales et sociales.

Cela dit, le problème est ailleurs. Cesser d’investir dans le pétrole ne réglera pas le problème de fond qu’est la dépendance structurel­le de notre économie envers le pétrole.

Oui, nous avons besoin de pétrole. Nous en consommons tous les jours, comme la majorité des environnem­entalistes qui luttent pour une économie sans pétrole. Mais pour l’avenir, nous refusons un développem­ent économique basé sur le pétrole.

Un jour, il n’y aura tout simplement plus de pétrole. Puis, il y a plus urgent: les connaissan­ces scientifiq­ues actuelles établissen­t hors de tout doute que nous ne pouvons pas nous permettre de consommer tout le pétrole encore disponible sur la planète, sauf à mettre en péril la survie même de l’espèce humaine.

Bref, ne rien faire ou prétexter qu’on ne peut rien y faire est sans doute l’attitude la plus irresponsa­ble de ce début du 21e siècle. La lucidité nous impose d’agir rapidement pour transforme­r nos pratiques de production, de transport et de consommati­on.

Transforme­r notre économie n’est pas une mince affaire. Nous sommes extrêmemen­t conscients des sacrifices sousjacent­s pour les travailleu­rs, les travailleu­ses et les communauté­s qui dépendent des industries polluantes. Mais il est devenu évident que nous ne pourrons pas maintenir ces emplois ou en créer de nouveaux en ne faisant rien pour lutter contre les changement­s climatique­s.

C’est la raison pour laquelle nous dialoguons avec les écologiste­s et les gouverneme­nts, et que nous intervenon­s auprès des employeurs. Pour exiger une transition vers une économie plus verte, pour y inclure la création d’emplois de qualité et des mesures de protection pour les gens dont la vie quotidienn­e dépend des secteurs touchés. Ce qui doit être fait demande du courage, de la vision et, surtout, un État fort.

Newspapers in French

Newspapers from Canada