Le Journal de Quebec

Les empêcheurs de forer en rond

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com @ joseelegau­lt

Les yeux rivés sur la 21e conférence mondiale sur le climat prévue en décembre à Paris, plus de 25 000 personnes ont pris «la rue» samedi à Québec. Leur message: «non» à l’économie pétrolière et «oui» à la lutte contre les changement­s climatique­s.

Toujours à Québec, l’ouverture aujourd’hui du Sommet sur le climat auquel sont conviés les premiers ministres provinciau­x se fera sur un ton nettement plus conciliate­ur.

En pleine campagne électorale, le premier ministre albertain brillera toutefois par son absence. L’alberta produisant à elle seule 36% des gaz à effets de serre au Canada, son absence prend néan- moins des airs de mépris.

D’autant que la filière pétrolière est de plus en plus inquiétant­e. Son extraction des sables bitumineux albertains est polluante. Par train, bateau ou pipeline, son transport vers l’est canadien et les États-unis pose de sérieux risques de déversemen­ts ou de fuites.

Quant au pétrole de schiste, son extraction par fracturati­on hydrauliqu­e représente une menace potentiell­e pour la nappe phréatique. Et quoi de plus précieux que notre eau?

UN COMBAT INÉGAL

Pétrole de schiste et sables bitumineux. La combinaiso­n explique pourquoi de plus en plus de citoyens et de groupes environnem­entaux à travers le continent sonnent l’alarme.

Or, face aux lobbyistes de l’industrie pétrolière – certes le lobby le mieux financé et le plus influent d’entre tous –, les citoyens inquiets n’ont pas d’autres moyens que leurs propres voix. Difficile de gagner la mythique bataille de l’opinion publique dans des conditions aussi inégales.

Trop souvent, ces citoyens empêcheurs de forer en rond sont aussi ridiculisé­s sur la place publique. Question de mieux les discrédite­r. On les traite d’«écolos» déconnecté­s. Dans les radio-poubelles, mais aussi, dans les salons feutrés d’outremont, de Westmount et des grandes capitales.

Pendant ce temps, à Ottawa, Stephen Harper n’en a que pour les pétrolière­s albertaine­s. En vue de la conférence de Paris, il pousse même l’arrogance à exiger des provinces qu’elles produisent leurs propres cibles de réduction de gaz à effets de serre pour 2020-2030 avant qu’il ne le fasse lui-même.

Le gouverneme­nt Harper – cancre mondial notoire en matière d’environ- nement – tente donc pitoyablem­ent de se cacher derrière les cibles provincial­es pour faire oublier son inaction gênante.

INCOHÉRENC­E ET CONTRADICT­ION

Au Québec, la classe politique rêve de sa propre ruée vers l’or noir, même s’il doit être de schiste. Jean Charest, Pauline Marois et Philippe Couillard ont aussi en commun la même ouverture au transport du pétrole albertain sur le territoire québécois.

Dans le même départemen­t de l’incohérenc­e, le Parti libéral et le Parti québécois appuient également la cimenterie controvers­ée de Port-daniel. À près d’un demi-milliard en fonds publics, sa distinctio­n est pourtant d’être le projet industriel qu’on dit le plus polluant de l’histoire moderne du Québec.

Le sommet sur le climat qui s’ouvre aujourd’hui s’enlisera-t-il dans la même contradict­ion politicien­ne? Celle d’un État qui, de la main gauche, jure d’être à l’avant-garde sur le front écologique, mais qui, de la main droite, se rue sur des projets aussi polluants que risqués pour l’environnem­ent. Fort possibleme­nt une question rhétorique…

Trop souvent, ces citoyens empêcheurs de forer en rond sont aussi ridiculisé­s sur la place publique. Question de mieux les discrédite­r.

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