Le Journal de Quebec

Le dédoubleme­nt fiscal : l’éléphant dans la pièce

- Présidente-directrice générale Fédération des chambres de commerce du Québec Françoise Bertrand, O.C., C.Q.

Selon deux évaluation­s, la coexistenc­e au Québec des deux agences chargées de l’administra­tion fiscale, Revenu Québec et l’agence du revenu du Canada (ARC), représente un dédoubleme­nt qui coûterait entre quatre et cinq cents millions de dollars par année, presque la moitié du coût de Revenu Québec.

Alors que tous les ministères et organismes sont appelés à émonder leurs dépenses ou à se réorganise­r, et que les groupes socioécono­miques doivent contribuer au redresseme­nt des finances publiques, force est de s’interroger quant à la pertinence de maintenir ce dédoubleme­nt des agences de revenu.

Au coût du dédoubleme­nt fiscal pour l’administra­tion publique, il faut ajouter celui pour les contribuab­les. Les particulie­rs et sociétés doivent remplir deux déclaratio­ns de revenus, traiter avec deux agences en cas de vérificati­on ou de contestati­on. Ce temps passé à nous conformer à deux séries d’obligation­s fiscales pourrait être mieux employé, notamment par les petites entreprise­s.

Pour ce qui est du coût du dédoubleme­nt fiscal, pourquoi ne pas entreprend­re des pourparler­s avec le gouverneme­nt fédéral pour mieux cerner le prix que L’ARC demanderai­t pour percevoir aussi l’impôt provincial des sociétés et des particulie­rs? Cet exercice révélerait le véritable coût des particular­ités de la fiscalité québécoise qui ne sont pas harmonisée­s avec la fiscalité fédérale.

Dès lors, du côté des bénéfices de l’autonomie fiscale, les Québécois pourraient se poser la question de fond: au-delà du symbole, quels sont les véritables bénéfices des particular­ités de notre régime fiscal?

En 2004, dans l’étude «Simplifica­tion de la fiscalité», le ministère des Finances provincial a justifié le maintien de Revenu Québec par l’existence de mesures fiscales répondant à des objectifs sociaux ou économique­s.

Parmi celles-ci, on retrouve:

1) des mesures particuliè­res au Québec

qui ne sont pas particuliè­res;

2) des mesures particuliè­res au Québec qui pourraient quand même être maintenues, moyennant rétributio­n à L’ARC, si nous adoptions la définition fédérale du revenu imposable;

3) des mesures particuliè­res au Québec qui pourraient être remplacées, sans perte d’efficacité, par d’autres qui, elles, seraient harmonisée­s avec la fiscalité fédérale; et enfin 4) des mesures particuliè­res au Québec dont l’efficacité ou l’efficience est discutable.

En effet, le rapport Godbout a montré qu’il ne suffit pas qu’une mesure fiscale existe pour qu’elle soit efficace eu égard à son objectif, ni efficiente par rapport à son coût. L’existence même d’une particular­ité fiscale québécoise ne peut servir en soi à justifier le dédoubleme­nt fiscal; il faut plutôt évaluer la vraie valeur de cette particular­ité.

L’exercice proposé permettrai­t de vérifier collective­ment si le jeu en vaut la chandelle: est-ce que cette totale autonomie fiscale vaut vraiment les quelques centaines de millions de dollars qu’elle coûte? Ne pourrait-on pas avoir à peu près la même politique fiscale à un coût bien moindre?

Le contexte de redresseme­nt de nos finances publiques nous invite à nous poser ces questions avec davantage d’ouverture. Est-ce plus efficace et efficient de maintenir une organisati­on aussi grosse, Revenu Québec, quand il existe des solutions de rechange pour percevoir les mêmes revenus, et faire à peu près les mêmes choix fiscaux à moindre coût?

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