Le Journal de Quebec

Bye bye bobo anglo !

- LISE RAVARY Communicat­rice, journalist­e et chroniqueu­se lise. ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

Le comédien et réalisateu­r montréalai­s Jay Baruchel a soulevé la poussière samedi en annonçant dans The Gazette qu’il déménageai­t à Toronto. Baruchel avait toujours juré qu’il ne quitterait jamais Montréal, malgré sa spectacula­ire carrière hollywoodi­enne. Et puis voilà qu’il change d’avis.

Âgé de 33 ans, Baruchel, prototype du bobo anglo, a fait ses premiers pas à Hollywood dans Million Dollar Baby de Clint Eastwood, film qui a reçu quatre Oscars. Il a aussi coécrit et joué dans Goon, une délicieuse comédie sur le hockey et un des plus gros succès de l’histoire du cinéma canadien. Méga-fan du CH, «cela ne changera pas», promet-il.

AMBASSADEU­RS DE PRESTIGE

Lorsque de grandes vedettes internatio­nales choisissen­t de vivre à Montréal, qui n’en ressent pas une certaine fierté? Quand Leonard Cohen revient s’installer dans sa maison du Mile-end, quand je croise Win Butler d’arcade Fire sur Fairmount, quand des gens qui ont la possibilit­é de vivre n’importe où dans le monde choisissen­t de planter leur tente ici, ça me fait un petit velours.

Et quand ils annoncent qu’ils quittent le Québec pour des raisons politiques, je me sens à la fois triste, frustrée et en colère. Coup de circuit pour Baruchel!

«La politique québécoise a fini par avoir raison de moi.» «C’est moins (la séparation) que le dialogue ethnique empoisonné qui m’a laissé un mauvais goût dans la bouche.» «Ici (à Toronto), quand je sors et que je parle anglais, ce n’est pas un geste politique chargé. C’est la vie.»

«Si je veux faire carrière au Canada au lieu des États-unis, et que la plupart de mes idées sont en anglais, vivre à Toronto a du sens.»

Jusque-là, je comprends – j’ai un pied dans le Québec francophon­e et l’autre chez les anglophone­s. Personne ne peut nier que la politique québécoise a le hoquet. Que le débat sur la charte a été toxique par moments. Et quand je parle anglais dans la rue, dans certains secteurs, moi aussi je ressens l’opprobre.

LE QUÉBEC, BOF

Baruchel avoue ne pas avoir une grande passion pour le Québec. Il aime surtout Montréal et son quartier d’origine, NDG. Je comprends, je m’ennuie du NDG bariolé depuis que j’ai emmé- nagé dans un quartier pain blanc de Montréal.

Mais quand il dit que Montréal et NDG ont le malheur d’être «situées dans une partie du monde pas mal difficile», le robinet de ma sympathie se ferme sans effort.

Une partie difficile du monde? Et la Syrie? Et l’iraq? Et l’égypte, le Pakistan, Israël et la Palestine? L’ukraine? Le Venezuela? Le Mexique? Le Nigéria, la Somalie, le Darfour? Baltimore? Les banlieues françaises? Mais il y a pire. Je ne suis pas indépendan­tiste. Ce n’est pas une révélation. Mais Baruchel m’a fait coller au plafond quand il a qualifié de « silly stuff » (affaire stupide) la souveraine­té du Québec. Ah oui?

L’indépendan­ce des États-unis en 1776, le divorce de l’irlande de la Grande-bretagne en 1922, la création d’israël en 1948 et la souveraine­té menacée de l’ukraine aujourd’hui ne seraient que des «affaires stupides»?

Les Écossais sont stupides? Les Catalans aussi?

Jay Baruchel doit des excuses à bien du monde.

Mais quand Baruchel dit que Montréal et NDG ont le malheur d’être « situées dans une partie du monde pas mal difficile », le robinet de ma sympathie se ferme sans effort.

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