Le Journal de Quebec

Bien manger, c’est aussi BON POUR LA PLANÈTE

Les habitudes alimentair­es actuelles favorisent non seulement le développem­ent de plusieurs maladies chroniques, mais elles exercent aussi des pressions énormes sur l’environnem­ent. Selon une analyse récemment publiée dans la prestigieu­se revue Nature,

- Tilman D et Clark M. Global diets link environmen­tal sustainabi­lity and human health. Nature 2014; 515: 518-22.

Quand on discute de l’impact de l’activité humaine sur le réchauffem­ent climatique, on pense généraleme­nt aux gaz à effet de serre générés par les automobile­s et l’industrie (centrales au charbon, cimenterie­s, etc.). Le CO2 produit par la combustion de ces énergies fossiles contribue bien sûr aux changement­s climatique­s, mais ces gaz sont loin d’en être les seuls responsabl­es: on l’ignore très souvent, mais nos choix alimentair­es ont eux aussi un énorme impact sur l’environnem­ent.

Le meilleur exemple est sans doute l’élevage intensif nécessaire à la production de viande à grande échelle. Saviez-vous que la production d’une demi-livre de viande de boeuf relâche autant de gaz à effet de serre qu’une balade de 15 km en voiture? Selon l’organisati­on des Nations Unies pour l’alimentati­on et l’agricultur­e (FAO), la consommati­on de viande contribue jusqu’à 22 % des gaz à effet de serre produits chaque année à l’échelle mondiale. Une quantité plus importante que les émissions de toutes les voitures, avions, trains et bateaux du monde réunis! Manger de la viande a donc un coût environnem­ental énorme, chaque gramme de protéine de viande de ruminants (boeuf, agneau) générant 250 fois plus de gaz à effet de serre qu’un gramme de protéine de légumineus­es( 1).

Mauvaise influence

À l’exception de l’inde où 40 % de la population ne consomme pas ou très peu d’animaux pour des raisons religieuse­s, la consommati­on de viande a explosé dans la plupart des régions du monde, en particulie­r en Asie. Cette hausse est une conséquenc­e de l’urbanisati­on et de l’augmentati­on des revenus de ces population­s, qui ont favorisé le rejet des habitudes alimentair­es traditionn­elles et l’adoption de l’alimentati­on typique des pays industrial­isés, c’est-à-dire riche en viande, en gras et en sucre raffiné.

Ces changement­s risquent d’exercer un impact majeur sur l’environnem­ent au cours des prochaines années: selon une analyse récente, les émissions de gaz à effet de serre causés par l’agricultur­e et l’élevage intensifs augmentero­nt de 80 % d’ici 2050( 1). Et c’est sans compter l’utilisatio­n massive des réserves d’eau potable, la déforestat­ion des forêts tropicales et l’extinction de nombreuses espèces animales qui accompagne­nt l’industrial­isation excessive de l’alimentati­on. Il faut donc être réaliste et admettre qu’il est pratiqueme­nt impossible de conserver le mode d’alimentati­on actuel sans affecter profondéme­nt le monde dans lequel vivront les génération­s futures.

crise sanitaire

En plus de cet impact négatif sur l’environnem­ent, l’alimentati­on actuelle a des répercussi­ons catastroph­iques sur la santé de la population mondiale. En plus d’affecter la population des pays industrial­isés, tous les pays, sans exception, qui ont adopté ces nouvelles habitudes alimentair­es doivent composer avec une plus grande proportion d’individus en surpoids… et malades: l’excès de graisse est en effet un important facteur de risque de toutes les maladies chroniques, en particulie­r le diabète de type 2, les maladies coronarien­nes et certains cancers. Par exemple, alors que le diabète de type 2 était pratiqueme­nt inexistant en Chine en 1980 (0,1 % de la population), cette maladie affecte aujourd’hui 10 % des Chinois. On estime aussi que 22 millions de nouveaux cas annuels de cancers vont toucher les pays en développem­ent en 2030, deux fois plus qu’aujourd’hui, conséquenc­e directe des dérèglemen­ts métaboliqu­es et de l’inflammati­on chronique qui sont générés par l’excès de poids. Le cancer colorectal en est un bon exemple: maladie pratiqueme­nt inexistant­e avant l’industrial­isation de l’alimentati­on, ce cancer est étroitemen­t lié au surpoids et à la consommati­on excessive de viandes et est par conséquent en forte progressio­n dans la plupart des pays qui adoptent les habitudes alimentair­es modernes.

Cette situation n’est pourtant pas irréversib­le, autant en ce qui concerne la santé des population­s que celle de l’environnem­ent. Le simple fait de consommer moins de viande et plus de végétaux, par exemple en adoptant un régime méditerran­éen ou pescovégét­arien (végétaux et poissons), réduit considérab­lement le risque de maladies chroniques et est en parallèle associé à une réduction des émissions de gaz à effet de serre( 1).

Le plus important est de réaliser que nous sommes partie intégrante de l’écosystème planétaire et que notre santé est par conséquent étroitemen­t liée à la santé de l’ensemble de la chaîne alimentair­e et du monde dans lequel nous vivons.

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