Le Journal de Quebec

Lâcher prise

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com @ josephfaca­l

Ma femme et moi vivons un été marquant. Notre fils aîné, âgé de 17 ans, vient d’obtenir son permis de conduire.

Nous lui avons donné notre vieille auto. Déjà très autonome, il l’est encore plus maintenant.

Ne devant plus le reconduire à tous ses entraîneme­nts de soccer, je récupère des heures dont je ne sais pas encore quoi faire.

Cet été marque aussi, pour lui, la fin du secondaire. Ses copains et lui se promettent de garder le contact, et ce n’est pas exclu, mais je crois qu’ils se doutent que la vie leur fera emprunter des chemins qui les éloigneron­t.

INQUIÉTUDE

Ces temps-ci, un party n’attend pas l’autre. J’ai déjà le sommeil léger. Maintenant, je ne dors plus tant que je ne l’entends pas rentrer à la maison.

Je sais bien qu’il y aura de la boisson et sans doute de la marijuana. Il n’a jamais commis d’excès graves, mais toutes sortes d’idées trottent dans la tête d’un parent normal.

Quand il part, je tourne ma langue sept fois dans ma bouche avant d’y aller de mes habituelle­s recommanda­tions de prudence. Si je l’énerve, il a la gentilless­e de ne pas le montrer.

Menacer et faire les gros yeux, c’est courir le risque qu’il se braque. Ne rien dire pourrait être interprété comme de l’insoucianc­e de ma part. J’essaie d’être bref et détendu, mais je me trouve déjà répétitif. Il m’écoute et me dit ce que je veux entendre. Je n’ai pas d’autre choix que de lui faire confiance.

À dire vrai, considéran­t son comporteme­nt passé, je n’ai aucune raison de ne pas lui faire confiance. Mais vous vous dites toujours qu’il y aura d’autres jeunes et ceux-là vous les connaissez moins, voire pas du tout.

Au fond, nous, les parents, devons apprendre à lâcher prise. Je ne trouve pas cela facile, mais je crois, en règle générale, que c’est plus difficile encore pour les mères.

Notre maison est remplie de photos des enfants quand ils étaient des bébés. Il me semble que c’était hier.

Sur les photos, en compagnie d’eux, un homme encore jeune, moi. Mais la réalité est que je viens d’avoir 54 ans et que les quelques cheveux qu’il me reste grisonnent à vue d’oeil.

AUTONOMIE

Je fouille en moi et je me demande ces jours-ci pourquoi il est si difficile, en tant que parent, de lâcher prise.

D’abord, parce que lâcher prise, c’est admettre nos limites. On a fait du mieux qu’on pouvait pour que la plante pousse droit.

Mais cet enfant devenu adulte ou presque n’est pas une extension de nous. C’est un être humain avec son individual­ité propre, libre de faire et de penser différemme­nt de moi malgré toutes les valeurs que j’ai essayé de lui inculquer.

Ensuite, lâcher prise, c’est accepter que notre utilité en tant que parent, si elle demeure, devient moins immédiate, moins essentiell­e à la survie de l’enfant.

On est maintenant une présence, un repère, un exemple, un conseiller, que sais-je, mais on n’est plus le nourricier, le pourvoyeur, le protecteur.

C’est un apprentiss­age pour moi autant que pour lui.

Je fouille en moi et je me demande, ces jours-ci, pourquoi il est si difficile, en tant que parent, de lâcher prise.

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