Un retour de mission plus pénible qu’il n’y paraît
Une étude sur la santé mentale des militaires déployés en Afghanistan embellirait la situation
Une récente étude menée par l’armée canadienne sur les impacts psychologiques de la mission en Afghanistan, décrite comme la plus complète depuis la fin du déploiement, conclut «à un portrait encourageant de la santé mentale dans les Forces armées». Une conclusion «non fondée» selon le professeur Alain Brunet.
L’étude méconnue, publiée au mois d’août dernier par deux chercheurs des forces canadiennes est présentée comme la plus complète en matière de santé mentale post Afghanistan.
Elle analyse les risques de stress posttraumatique, d’alcoolisme et de suicide à la suite de la mission.
Malgré l’allusion à plusieurs études qui montrent une hausse du risque d’alcoolisme, l’augmentation des pensées suicidaires chez les vétérans et la démonstration qu’une «fraction substantielle du personnel aura besoin de soins en santé mentale après le déploiement», les Drs Mark Zamorski et David Boulos jugent que le portrait de la situation est encourageant.
EFFETS TOXIQUES
«La majorité du personnel va bien», écrivent-ils. «Les effets toxiques des déploiements répétés demeurent à un niveau acceptable» et «le taux de suicide est stable», conclut l’étude.
Les résultats de cette étude sont accueillis avec scepticisme par le profes- seur de l’institut Douglas, spécialiste de la question du stress post-traumatique, Alain Brunet. «Dire que tout est stable, ça n’a pas de bon sens.»
« Je ne sais pas quiils essaient de convaincre», poursuit-il en notant une méthodologie souvent questionnable. «C’est ce qu’ils font dire aux chiffres, avec un peu de pratique, on peut leur faire dire plein de choses», constate-t-il.
Le professeur Brunet prend l’exemple de l’étude de 2013 également réalisée par les mêmes docteurs sur les militaires atteints de trouble de stress posttraumatique (TSPT), conclusion prise en compte dans l’étude d’août 2014.
Cette étude mentionne que 8 % des militaires déployés en Afghanistan ont reçu un tel diagnostic, alors que 5,2 % ont reçu un diagnostic de trouble mental autre que le TSPT.
Or, cette étude se concentre uniquement sur les militaires qui ont fait l’objet d’un diagnostic officiel.
« Ce taux est peu fiable, t ranche le professeur, car des soldats sont réticents à admettre qu’ils ont un trouble de stress post-traumatique.»
LA MARINE SURREPRÉSENTÉE
M. Brunet indique aussi que 17 % des militaires interrogés dans le cadre de cette étude provenaient de la marine. « La marine nese rend pas jus qu’en Afghanistan», ironise le professeur.