Le Journal de Quebec

Elles dénoncent une secte

La Mission de l’esprit-saint à Montréal-nord traiterait piètrement femmes et enfants

- Michaël Nguyen l Mnguyenjdm

Des ex-membres de la Mission de l’esprit-saint à Montréal-nord ont décidé de lever le voile sur un groupe religieux fermé, où les femmes ne sont bonnes qu’à faire des enfants, qui, pour la plupart, ne vont pas à l’école publique.

«Tu as quatre ans, tu sais que tu vas être mère de famille, tu sais que c’est juste ça ton destin, tu n’iras pas plus loin dans la vie», a expliqué Marie (nom fictif ) lors d’un témoignage au tribunal dans une affaire de crimes sexuels.

D’autres anciens membres rencontrés par Le Journal vont encore plus loin.

«On n’a pas le droit d’avoir des rêves, déplore pour sa part Sabrine (nom fictif ). Les filles doivent se marier entre 14 et 16 ans. On prépare les filles à être de “bonnes épouses”. Huit enfants, c’est la norme.»

Tant Marie, dont l’identité est protégée par une ordonnance de la cour, que Sabrine, qui craint des représaill­es envers ses proches encore dans la secte si son identité est révélée, ont dressé un triste portrait de la condition féminine dans cette secte comptant plus de 300 membres.

CLOÎTRÉES

Tant Marie que Sabrine et trois de ses soeurs, maintenant dans la quarantain­e, sont nées dans la Mission de l’esprit-saint. Selon ces ex-membres, les femmes n’ont pas le droit de travailler ni d’avoir de contacts avec l’extérieur.

«(Les gourous) disaient que les gens du mon de ét ai ent démonia ques, affirme Marie. La secte parlait beaucoup d’une troisième guerre mondiale.»

Sabrine explique que l’homme ramène l’argent à la maison, tandis que la femme est considérée comme une «moins que rien». Juste d’aider sa femme dans les tâches quotidienn­es est mal perçu, dit-elle.

PAS ÉDUQUÉS

Dans une décision concernant un exmembre condamné pour des crimes sexuels, la Commission des libération­s conditionn­elles du Canada s’était aussi penchée sur la Mission de l’esprit-saint.

«Le mouvement (de la secte) prône le mariage à l’adolescenc­e, de 14 à 17 ans, dans le but d’avoir une famille nombreuse, avait indiqué la Commission dans son rapport. Les mariages se font entre membres du groupe, les membres tendent à s’isoler et à être méfiants face à la société.»

Les allocation­s du gouverneme­nt grâce aux nombreux enfants permettent aussi d ’ a masser un be au pactole, explique Sabrine. Sauf que la majorité des enfants ne vont pas à l’école publique. Ils recevraien­t leur éducation à la maison, par des enseignant­s parfois sans formation.

«(Les gourous) briment la vie des jeunes, il n’y a pas de développem­ent normal», déplore une des soeurs de Sabrine. Le gouverneme­nt devrait évaluer les enfants dans la secte. Les enfants ne font pas les

tests du ministère, ils sont illettrés.»

SIMULACRE DE JUSTICE

Selon Marie, si elle refusait de faire son «devoir de femme», elle devait passer devant une sorte de tribunal, devant tous les gourous de la secte.

«On te juge, on te demande pourquoi tu ne lui donnes pas des relations sexuelles, décrit Marie. Ça finit avec un genre de jugement de cour, que je n’ai pas le droit de lui refuser.»

Si le mari trompe sa femme, le blâme est mis sur cette dernière, ajoute Marie.

«Je n’ai pas mon mot à dire, je dois l’accepter et vivre avec ça», dit-elle.

Tous les membres ne sont pas à mettre dans le même panier, souligne toutefois Sabrine.

«Il y a 90% de fanatiques. Ceux qui ont un caractère assez fort, ça leur passe au-dessus de la tête», dit-elle.

Mais ça ne l’empêche pas de vouloir dénoncer les pratiques de cette secte.

«Ce sont les enfants qui souffrent, conclut une des soeurs de Sabrine. Si mes petits enfants vont à l’école, notre sortie médiatique sera considérée comme une victoire.»

Dans les dernières années, au moins quatre membres de la secte ont été traduits en justice pour des crimes sexuels ou des abus sur des enfants de la secte, même si les contacts avec le monde extérieur – dont la police – sont découragés. Deux ont été condamnés, tandis que les deux autres attendent leur procès.

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Des ex-membres de la Mission de l’espritSain­t à Montréal-nord dénoncent les conditions vécues par les membres de ce groupe religieux.
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