Le Journal de Quebec

Manic GT 1971: La voiture made in Québec

Eh oui, le Québec a déjà eu sa propre voiture! Malheureus­ement, l’histoire de la Manic GT s’est terminée beaucoup trop rapidement.

- { AVEC FRÉDÉRIC MERCIER

Ironiqueme­nt, c’est un Français qui a entrepris le projet de constructi­on de cette voiture fabriquée ici, au Québec. Fin des années 1960. Jacques About, alors employé de Renault au Canada, a rapidement constaté que notre marché manquait cruellemen­t d’une petite voiture sport légère aux apparences européenne­s. Décidé à changer cela, M. About a d’abord tenté de convaincre les dirigeants de Renault d’importer la jolie Alpine A110 chez nous. Devant le refus du constructe­ur français, Jacques About prend les choses en main. Il fonde l’écurie Manic GT et s’entoure d’une équipe motivée à réaliser son rêve un peu fou. Serge Soumille, un autre Français, aide About dans la conception du design du véhicule, qui sera tout de suite baptisé Manic, en l’honneur de l’immense barrage hydroélect­rique du même nom.

UN DÉPART CANON

Une fois la voiture dessinée, restait à trouver du financemen­t. Devant l’engouement du public pour le véhicule, les investisse­ments sont venus rapidement, totalisant 1,5 M$. Le gouverneme­nt canadien, Bombardier, la Caisse de dépôt du Québec et la famille Steinberg ont principale­ment contribué à l’avènement de cette voiture québécoise. Au Salon de l’auto de Montréal de 1969, c’était la consécrati­on. La Manic était présentée officielle­ment pour la première fois. Rapidement, les premières unités furent vendues. Quelques mois plus tard, la production officielle du véhicule commençait. D’abord installée à Terrebonne, Manic allait rapidement déménager à Granby, où une usine flambant neuve venait d’être construite pour accueillir les grandes ambitions de Jacques About et de son équipe. D’une superficie de 60 000 pieds carrés, le nouvel ét a bl i ss e ment de fa br i c at i on de la Manic GT employait 40 personnes et pouvait produire jusqu’à trois véhicules par jour. On voulait même avec le temps faire passer la production à 2000 unités par an. Bref, Manic avait le vent dans les voiles!

UNE RENAULT DÉGUISÉE

Sous ses airs de voiture sport, la GT, le seul et unique modèle jamais construit par Manic, était en fait montée sur les bases d’une Renault 8. En plus d’utiliser le châssis de la voiture française, la Manic lui empruntait aussi sa motorisati­on, un moteur à quatre cylindres de 1,3 litre. Selon les ajustement­s apportés par Manic, ce moteur pouvait produire 65, 80 ou 105 chevaux, pour des vitesses maximales respective­s de 169, 193 et 217 km/h. Il faut dire que la voiture palliait sa faible puissance par une légèreté exemplaire de 1450 livres. Avec une carrosseri­e en fibre de verre, difficile de faire autrement! De série, une transmissi­on manuelle à quatre rapports était offerte, avec la possibilit­é d’ajouter un cinquième rapport dans la gamme d’options. La GT était équipée de quatre freins à disque et de suspension­s indépendan­tes, des caractéris­tiques alors très innovatric­es. À l’époque de sa mise en marché, la Manic GT pouvait coûter entre 2200 $ et 3400 $, une facture plutôt salée en 1970. En guise de mise en contexte, le salaire annuel moyen d’une famille canadienne était de 6695 $.

UNE FIN ABRUPTE

Ce n’est pas le prix de la Manic GT qui a causé sa perte. Malgré son prix élevé, l’engouement était là. Il y avait même une liste d’attente de deux mois pour recevoir sa Manic! C’est une mauvaise collaborat­ion avec Renault qui mit tristement fin à cette belle histoire. Comme la GT partageait beaucoup de ses composante­s avec la Renault 8, l’entreprise québécoise dépendait beaucoup du constructe­ur français. Et un beau jour, hésitante à embarquer dans l’aventure, Renault a cessé d’envoyer des pièces à l’usine granbyenne. Il n’en fallait pas plus pour que l a production soit arrêtée. Elle n’allait jamais reprendre. Le 29 mai 1971, moins d’un an après l’ouverture de l’usine de Granby, Manic fermait ses portes. Jacques About blâme Renault pour son manque de coopératio­n. De son côté, Renault dit ne jamais avoir été payée pour les pièces qu’elle a fournies à About. Qui dit vrai? On ne le saura probableme­nt jamais. Après un départ pourtant si prometteur, la Manic GT n’aura été produite qu’à 100 exemplaire­s. 60 autres carrosseri­es ont été vendues au recyclage, leur fabricatio­n ne pouvant pas être achevée, faute de pièces. Pendant un instant, au début des années 1970, le Québec avait sa propre voiture. Et Dieu sait ce qui aurait pu arriver si Jacques About et Renault en étaient venus à s’entendre.

C’était l’époque où tout était possible. Presque tout.

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