L’aberrant accès à l’information québécoise
Pour ne pas être écorché, mieux vaut ne pas être transparent
Les ministères et les organismes du Québec ont beau tous être soumis à la Loi sur l’accès à l’information, ils peuvent l’interpréter de différentes façons, a constaté notre Bureau d’enquête en posant la même question à 19 organismes.
Chacun, dans la fonction publique québécoise, semble pouvoir interpréter la loi à sa manière. Le Bureau d’enquête a étonnamment obtenu 11 refus et 8 réponses claires.
Le Bureau cherchait à savoir combien de consultants en informatique privés travaillent dans chacun de ces 19 organismes depuis plus de trois ans, et combien d’argent leur a été versé pour leurs services.
La question concernait donc la problématique des consultants privés qui deviennent pratiquement des fonctionnaires dans l’appareil public.
Même si le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, s’est montré très préoccupé par la situation, la plupart des ministères ne semblaient pas en mesure de révéler l’ampleur du phénomène.
C’est le ministère des Ressources naturelles qui a été le premier à répondre de façon claire et transparente. Le Journal a publié un reportage sur la dépendance du ministère à l’égard du privé.
TRANSPARENT ET ÉCORCHÉ
Les informations transmises montraient que le ministère avait versé 10 M$ à une vingtaine de consultants qui y travaillaient depuis plus de trois ans. Le ministre Pierre Arcand a réagi vivement, déclarant que cette «situation [...] doit changer». Le ministère a été écorché publiquement.
ASSEZ POUR FAIRE PEUR
Mais la plupart des autres ministères et organismes ne risquaient pas d’être blâmés de la sorte: ils ont simplement refusé de répondre à la question.
Chacun a interprété à sa façon la Loi sur l’accès à l’information.
Parmi les motifs invoqués pour justifier leur refus, les ministères écrivent qu’ils ne disposent pas de l’information recherchée ou même... qu’ils n’ont pas à la trouver.
OBSTACLE À L’INFORMATION
Pourtant, plusieurs autres ont été en mesure de communiquer cette information. Ils n’ont pas eu à invoquer des articles de la «loi sur l’obstacle à l’in- formation», comme la surnomme, avec dépit, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, qui était d’ailleurs en commission parlementaire cette semaine dans le cadre de la refonte de la Loi sur l’accès à l’information.
Demandant une refonte indépendante et non seulement dictée par le gouvernement, la Fédération souhaite que cette refonte soit «l’affirmation de l’accès à l’information et de l’intérêt public plutôt que la préservation de la culture du secret», explique la présidente Lise Millette.
La question que nous avons posée a aussi été posée par le Parti québécois à plusieurs ministères et organismes lors de l’étude des crédits budgétaires.
La réponse, dans la plupart des cas, a été que l’information est disponible sur le système électronique d’appel d’offres du gouvernement (SEAO), ce qui est complètement faux.