Le Journal de Quebec

Petite vie numérique

- MICHEL HÉBERT michel.hebert @quebecorme­dia.com

À force d’en apprendre, on finit par avoir le moral en Moldavie. Sans parler de l’ambiance, sensibleme­nt alourdie. Depuis Charlie Hebdo, l’assemblée nationale craint le pire.

On mobilisera d’ailleurs la faune parlementa­ire ce mois-ci pour une formation obligatoir­e visant à «expliquer la marche à suivre en cas d’incident impliquant un tireur fou». C’est, dit-on, le «Plan de réponse pour des établissem­ents sécuritair­es».

C’est un «plan» parmi d’autres, car toutes les bureaucrat­ies sont à l’ère des «plans», surtout des plans informatiq­ues. Ça leur donne sans doute une raison d’être. Des plans pour tout et rien. Pour retracer son homard, son héritage ou son ex. Le numérique dope l'imaginatio­n et les organigram­mes...

Il y a tellement de sites internet que ça prendrait une semaine de congé pour les visiter tous. Il y en a officielle­ment 760. Comme si l’état était affligé d’une étrange vanité. Tout le monde veut (et obtient) sa petite fenêtre sur le monde virtuel. Même si ça n’intéresse pas grand monde. Il y a un site sur l’autonomie, un autre sur l’avenir en santé, etc. Ça coûte évidemment très cher à créer et à entretenir, bien que l’on ne sache pas vraiment s’il y a des intéressés.

Un jour, par erreur, je suis débarqué dans une discrète coquille du ministère de la Santé. Sur la porte, c’était écrit: «Saines habitudes de vie». L’atmosphère était aussi légère qu’à la Commission de toponymie: un emploi à vie pour lutter contre l’obésité rendrait n’importe qui parfaiteme­nt heureux. Peu importe ensuite si le site internet ne fait pas plus d’audience que Belle et Bum…

Idem au Centre de leadership et de développem­ent des compétence­s, une autre obscure organisati­on dédiée exclusivem­ent au confort intellectu­el des fonctionna­ires. Son site internet coûte 102 000 $ à entretenir et il échappe naturellem­ent à l’austérité. On y offre même une formation sur la gestion des absences. Au Centre des services partagés, on connaît l’effet pervers de l’assurance salaire sur la motivation…

Il ne s’agit toutefois pas de liquider tout le numérique. Il faut être de son temps. Et ça ferait hurler l’élite bienpensan­te qui jouit de sa modernité en citant Barthes au Canal Savoir. Quand on voit ce qui se passe ailleurs, on se dit seulement qu’un peu de bon sens serait nécessaire.

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